Dr Jean-François Hermieu : Ces
envies
d'uriner pressantes sont caractéristiques d'une hyperactivité vésicale.
Elles surviennent dans bien des situations : après une stimulation
sensorielle (l'eau, le froid...), une situation psychogène (stress...)
ou des situations émotionnelles (fous rires, frayeurs ou orgasme). Ces
problèmes sont plus fréquents chez la femme jeune et ne cachent
le plus souvent pas d'autres maladies sous-jacentes.
Chez l'homme, les problèmes de rétention sont plus fréquents
que les problèmes de fuites. Les problèmes urinaires masculins
nécessitent plus souvent la consultation d'un urologue, car ils peuvent
traduire des problèmes organiques (
problèmes
de prostate principalement).
L'incontinence, c'est une fatalité ou peut-on réellement
prévenir les fuites ?
Dr Jean-François Hermieu : Il existe de nombreux
problèmes de fuites urinaires qui sont liés à de mauvaises
habitudes mictionnelles : se retenir trop souvent ou trop longtemps
ou au contraire aller trop fréquemment aux toilettes... Cela peut
commencer dès l'école. Les jeunes enfants ont parfois peur
d'aller aux toilettes : problème de propreté, peur d'être
victimes de blagues de leurs petits camarades... Résultat : ils
vont essayer d'uriner très vite, de manière incomplète,
dans une position inconfortable... Tous ces comportements constituent de
mauvaises habitudes pour la vessie. Ce sujet était d'ailleurs l'un
des thèmes clés des dernières semaines nationales de
l'incontinence : "Faire
pipi, ça s'apprend !".
Mais l'idéal (et ce que précisent les recommandations de bonnes
pratiques) repose sur l'utilisation d'un calendrier mictionnel : on demande à la
personne de noter la quantité de liquide absorbé, le nombre de
mictions et leur volume pendant une période donnée. Ce bilan
permet ensuite d'adapter au mieux la prise en charge.
Après un accouchement, on m'avait conseillé d'essayer
de contrôler ma miction en l'interrompant par instant, mais j'ai lu
depuis que c'était une pratique à éviter... Que dois-je
croire ?
Dr Jean-François Hermieu : C'est une mauvaise
habitude qu'il faut absolument combattre. Le "Stop Pipi" comme
on l'a appelé, qui consiste à uriner puis arrêter le
jet et reprendre, est très délétère pour la vessie.
Ce mécanisme empêche une vidange complète en une seule
fois et va donc perturber le réflexe de miction. Cette pratique est
donc à bannir !
Suite à des problèmes d'incontinence, j'ai arrêté le
thé et le café. Mais est-ce qu'il existe réellement
des conseils alimentaires pour limiter les risques de fuites ?
Dr Jean-François Hermieu : Les principaux conseils
d'hygiène de vie sont de ne pas se retenir et d'uriner régulièrement
pour "bien éduquer" sa vessie. Mais il est vrai que certains
aliments peuvent avoir un effet irritant sur la vessie : le café notamment,
mais également le vin blanc ou le champagne, tout comme le poivre,
le piment et les épices. Il convient donc d'éviter de les consommer
en excès si l'on a des problèmes de fuites urinaires.
Les cystites à répétition peuvent-elles favoriser
l'incontinence ?
Dr Jean-François Hermieu: Il n'y a pas de lien direct
entre cystite et incontinence mais
des relations indirectes. L'incontinence entraîne une humidité qui
va elle-même favoriser l'apparition d'infections urinaires. A l'inverse,
les cystites vont irriter la vessie et favoriser la survenue d'une hyperactivité vésicale.
Attention au cercle vicieux !
J'ai eu des fuites en période de stress ou d'intense fatigue ?
Pourquoi une telle réaction ? S'agit-il de problèmes ponctuels
ou est-ce que cela traduit le début d'une incontinence ?
Dr Jean-François Hermieu : Le stress peut avoir
un retentissement sur le contrôle de la vessie. La fatigue peut également
entraîner un moins bon contrôle du sphincter. A ce titre, la
vessie est le miroir de l'âme. Ces problèmes ponctuels ne présagent
pas d'une incontinence qui va perdurer. Mais s'ils se répètent,
le recours à des protections ou la consultation de votre médecin
pourra vous aider.
Les différentes options thérapeutiques
Face à l'incontinence, trois types d'approches sont possibles :
- La rééducation
peut être pratiquée
par un kinésithérapeute spécialisé (ou rééducateur fonctionnel). Ce professionnel
dispose de différentes techniques : électrostimulation, biofeedback,
techniques manuelles ou fauteuil de rééducation).
Pour en savoir plus, découvrez notre article " Périnée : à chacune
sa rééducation" ;
- Les médicaments sont utilisés dans le
traitement des incontinences liées à une hyperactivité vésicale. Nous détaillerons
ci-après cette option ;
- La chirurgie peut
se révéler justifiée
en cas d'échec des alternatives thérapeutiques. De nombreuses techniques
sont disponibles dont la plus récente est la bandelette TVT qui consiste à placer
une membrane synthétique autour de l'urètre. Pour en savoir plus,
lire notre article "Bandelette
TVT : où en est-on ?".
Enfin les protections
discrètes peuvent permettre à certaines personnes
de retrouver une vie sociale.
Les
traitements médicamenteux
L'option médicamenteuse est le traitement le
plus répandu de l'incontinence liée à une vessie hyperactive. Ces produits
sont utiles en inhibant l'activité contractile de la vessie.
Les
médicaments les plus couramment utilisés
appartiennent à la classe des anticholinergiques1 (dont
la molécule
de référence est l'oxybutynine). Efficaces sur le muscle vésical
(détrusor), ils agissent par diminution des contractions vésicales,
entraînant une réduction de la pression à l'intérieur
de la vessie et une augmentation de la capacité vésicale2.
Schéma de l'incontinence liée à une hyperactivité vésicale
Le Docteur Annick Mombet,
médecin urologue à l'Institut
Mutualiste Montsouris nous précise cependant que "ce type de molécule
est accompagné d'effets indésirables amenant, dans un certain nombre
de cas, les patients à arrêter leur traitement. Les
plus fréquents sont la sécheresse de la bouche, la constipation, la tachycardie,
les troubles de l'accomodation".
Ainsi,
de nouveaux médicaments (chlorure
de trospium, toltérodine,
ou solifénacine)
apparaissent aujourd'hui et proposent un meilleur rapport efficacité -
tolérance. La sécheresse de la bouche, ainsi que certains troubles
cognitifs parfois recensés (confusion, anxiété, paranoïa.)
sont moins importants pour ces nouveaux produits que pour les anticholinergiques
de référence et pourraient ainsi augmenter un meilleur du traitement.
De nombreux autres médicaments peuvent être utilisés
en cas d'intolérance aux anticholinergiques en seconde intention : antidépresseurs
tricycliques, anticalciques, bêta-mimétiques, anti-inflammatoires ou antispasmodiques.
Tous
ces médicaments peuvent être associés à une
prise en charge comportementale. En cas d'échec, une intervention chirurgicale
peut être proposée. La mise en place d'un "pacemaker" de la vessie permet
de moduler le contrôle nerveux de la vessie. Pour en savoir plus, lire notre
article " Un
pacemaker contre l'incontinence".