COMMENT CONDUIRE AU TCHAD
Ce n'est pas une mince affaire que de se déplacer dans le pays. Les routes sont mauvais état et dangereuses. Elles sont mal entretenues, et pour la plupart non goudronnées, même à N'Djaména. Seules les rues principales sont éclairées. Quant aux panneaux routiers ils disparaissent pour se transformer en chaudron, ou en casserole.
Il est pratiquement impossible de circuler, en période de saison des pluies, car le sud du pays n'est plus qu'un vaste étang. En mission dans le sud pour installer le téléphone, nous avons dû prendre le bac de Bongor, puis passer par le Cameroun pour arriver à Moundou. J'avais emmené mon camping gaz avec recharges, ma cocotte minute des légumes, des soupes en sachet, des pâtes, des packs d'eau
Quant aux routes du nord, ce n'est pas mieux. Le chauffeur doit être vigilant et doit faire face aux imprévisibles ouadis. En dehors de N'Djaména un 4/4 est nécessaire pour la conduite, compte tenu du réseau routier inexistant ou très dégradé, et les nombreuses pistes sont difficilement praticables à la saison des pluies. A l'approche du désert les pistes sont vite balayées par les vents de sable et il est très facile de se perdre.
Partis avec le futur gouverneur, à la rencontre d'une caravane venant de France, plus précisément du Lions Club d'Arles qui nous apportait du matériel chirurgical, fauteuils pour handicapés, prothèses, médicaments pour notre Club Lion de N'Djaména, nous avons connu beaucoup d'ensablements et de crevaisons. Nous avons eu beaucoup de chance car toujours dans le désert survenaient, dans un tourbillon de poussière, des hommes enturbannés à cheval pour nous aider et nous guider. Nous étions partis de N'Djaména jusqu'à la frontière du Nigéria, il y a de cela cinq ou six ans. A présent nous ne pourrions plus le faire car si le Tchad a retrouvé un semblant de stabilité il faut rester très prudent.
La cause des dangers est la vitesse excessive, le mauvais entretien des véhicules, la méconnaissance du code de la route, les animaux sauvages tels les éléphants, le bétail : vaches, dromadaires, chèvres, ânes et les chiens sauvages qui coupent les routes ou les pistes sans crier gare.
Les déplacements doivent se faire en convoi, et uniquement en journée toutes portes verrouillées, les vitres bien remontées quelque soit le temps
Il n'est pas toujours possible de trouver du carburant dans les grandes villes, il faudra donc penser à faire des réserves, prévoir un pneu en plus, emmener des provisions et surtout beaucoup d'eau. Un déplacement en province est toujours une grande aventure.
A l'entrée des villages il faudra montrer patte blanche aux barrages de police. Après avoir payé la taxe de passage, les policiers vérifient les papiers et on peut leur faire confiance ils trouveront toujours la moindre petite anomalie pour obtenir un pourboire. Il est conseillé de garder sa bonne humeur, mais ce n'est pas toujours possible. A signaler toutefois : on ne demande jamais à vérifier les papiers des dames !
Dans la capitale il faut respecter les règles du pays : le lever des couleurs, le tapis rouge et les cortèges, mais surtout ne pas s'arrêter, ni ralentir, ni caler devant la présidence. Les gardes sont très susceptibles et paranoïaques. La voiture officielle des Etats-Unis a été mitraillée pour être tombée en panne devant la Présidence. La femme de l'ambassadeur des Etats-Unis a heureusement été que légèrement blessée. Mais cela a provoqué un incident diplomatique.
Tout le temps du lever du drapeau national la circulation est arrêtée, plus personne ne respire. Il m'est arrivé de ne m'en apercevoir qu'au dernier moment. J'ai freiné à mort dans un nuage de poussière et déjà un garde armé pointait sa kalachnikov vers moi. J'aurais dû recevoir une gifle comme cela est arrivé à une amie au cours d'un tapis rouge, mais c'était un gentil qui a vu ma mine terrifiée et n'a pas sévi. Moi, je suis arrivée toute tremblotante à la maison. J'avais le souvenir de mon amie Michèle, qui retardée à la pâtisserie, n'avait pas enlevé sa voiture assez rapidement et a gardé encore aujourd'hui le souvenir cuisant de cette gifle. Michèle avait pourtant été très polie, s'excusant même. Mais le comble la pauvre lorsqu'elle a raconté l'incident à son époux s'est vue vertement réprimandée.
Mais je ne vous ai pas dit qu'en fait au Tchad on achète son permis de conduire avant même de savoir conduire. Il en coûtera 30.000 Fcfa, soit 300 Francs de nos anciens francs. Je n'en revenais pas lorsque ma coiffeuse me dit un jour, tout de go, « maintenant que j'ai mon permis je vais m'acheter une voiture pour apprendre à conduire » !
Quelques codes bon à connaître :
Pour tourner à gauche, on tend son bras gauche, mais pour tourner du côté droit lorsqu'il n'y a pas de passager avant, on tape avec le poing sur le toit de la voiture.
Pour signaler un accident on met des branches d'arbre devant et derrière la voiture. Si c'est sur la voiture cela veut dire qu'elle est à vendre.
Lorsque le policier demande si les organes fonctionnent, il parle des essuie glace, des freins .
S'il dit : «le gaz » , il faut savoir qu'il demande à voir l'extincteur.
Et s'il demande très sérieusement le carnet de santé, c'est juste qu'il veut voir les papiers de la voiture.
Lassée des contrôles intempestifs de la police je ne conduis plus, sans compter qu'il ne fait pas bon d'avoir un accident même si on est pas en tort, on l'est puisque on a eu le tort d'être là . Et là de gros ennuis commencent mais c'est encore toute une histoire à raconter !