L'amour est aveugle et mon coeur n'a pas besoin d'yeux quand il s'agit d'adorer ma fillote. Mais ceux qui entourent l'être cher ne le sont pas (aveugles)  et leur coeur aussi étroit que leur esprit détruisent en un clin d'oeil la confiance qu'elle porte à sa beauté.

Si j'ai vu ma Louloute plus ronde que ses camarades, le fait qu'elle puisse être obèse se fermait à mon coeur de mère.

Je refusais de voir la vérité jusqu'à ces derniers mois où je me rendais compte, malgré mon esprit têtu, que mon petit trésor grossissait au-delà de la raison. A chaque bassesse humaine à son égard, elle plongeait sa tête dans le garde-manger et grignotait le fruit de ses kilos.

Le plus douloureux était de voir que le monde extérieur s'arrêtait à ce qu'il voyait et démolissait ma gamine, sans voir ses richesses pourtant si flagrantes quand on prend le temps de la regarder vivre. C'est une enfant intelligente, vive, respectueuse, généreuse, drôle. Elle est belle aussi, mais quelques kilos en trop suffisent pour en faire un objet de dérision, délaissant avec dédain ce qui fait d'elle un être merveilleux.

Dans cette société minable où on prône un enfant-Dieu à la silhouette de liane, on oublie l'essentiel de la valeur humaine et ses différences. On se souvient de la morale qu'on fait aux autres en omettant de l'appliquer à soi.  

Je ne me laisserai pas abuser par ce qu'on voudrait que ma fille soit et déjà je lui explique que sa différence, c'est son identité, qu'elle doit prendre soin de sa santé, mais que devenir ce que les autres veulent voir ne lui apportera pas plus d'amis ou d'amoureux  sincères. Elle perdra son temps à chercher quelqu'un qu'elle n'est pas, à frustrer son corps jusqu'à le détruire et perdre de vue tout ce qu'elle est capable d'accomplir.

Maudite société injuriante qui fait croire à mon bébé qu'elle est laide alors que ce n'est pas vrai, que sa jeunesse la porte au sommet des rêves que les autres ont perdu.

Mercredi dernier encore, je l'ai emmenée à Etam pour lui offrir sa première lingerie. La vendeuse me certifiait qu'il lui fallait du 90A. Or ma puce avait le dos comprimé par des élastiques trop étroits pour son confort. Elle m'a demandé l'autorisation d'entrer dans la cabine pour l'aider à lui trouver le vêtement idéal et force lui était de constater que j'avais raison... Et cette mauvaise pie, au lieu de fermer sa bouche nauséabonde n'a rien trouvé de mieux à dire sur un ton sec et dédaigneux (sans doute vexée d'avoir tort) : "Mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi carrée !"

Carrée... sous entendu, grosse ? Par chance, au moment où elle sortait sa saloperie dégoulinante d'orgueil bafoué, une dame s'est mis à parler fort et ma Louloute n'a pas compris (ou n'a pas cru comprendre) la fin de sa phrase. Inquiète elle me dit "Maman, qu'est-ce qu'elle a dit la dame ?". Et moi, pauvre mère tiraillée entre l'envie de tabasser la vendeuse et de serrer sa fillote dans les bras, je bafouille un : "Elle a dit qu'elle allait chercher un modèle mieux taillé".

Je n'ai pas osé lui dire "allez viens, on fiche le camp d'ici !" parce qu'elle aurait compris le pourquoi de ma colère et qu'il était trop tard pour trouver un autre magasin qui offrent aux jeunes filles en fleurs, de bons modèles de lingerie.

Mon bébé subit ce genre d'injures en permanence. Je suis lasse, deviens mauvaise, surtout que si elle se porte bien, elle n'a rien d'une enfant très grosse !

En suivant le tableau de sa courbe de croissance médicale, elle se situe dans l'obésité légère. Mais ça reste médical, par rapport à la santé mais esthétiquement, elle ne fait pas obèse.

Si je l'aide aujourd'hui, c'est pour qu'elle trouve sa place au milieu de cette société bourrée de tabous, mais c'est surtout pour lui montrer comment bien prendre soin d'elle plus tard. Tout reste ludique et la frustration n'a pas sa place.

J'aimerais lui dire "mais moi je t'aime", mais je sais bien que ce n'est pas suffisant pour vivre dans l'insouciance la médiocrité des autres ; surtout quand on est une petite fille de 11 ans.