UN ARTICLE INTERRESSANT IL ME SEMBLE
"Essayez de retrouver le corps pour lequel vous êtes faite"
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Les étapes vers la guérison
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© Le Journal des Femmes/Cécile Debise
Marie Gagnon est nutritionniste, spécialiste des problèmes de poids et de comportements alimentaires. Elle est venue parler de son dernier ouvrage, "Pourquoi je ne maigris pas ?", et a répondu à vos questions lors d'un chat en direct.
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Marie Gagnon © Le Journal des Femmes/Cécile Debise
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Comment êtes-vous devenue nutritionniste ?
Je suis devenue nutritionniste sur le tard. Je suis radiologue à la base. J'ai fait beaucoup d'échographies et en 1985, j'ai décidé d'arrêter pour installer mon cabinet en tant que nutritionniste. J'étais boulimique depuis ma jeunesse et j'avais une attirance pour ce genre de problèmes. C'est donc suite à des soucis d'ordre personnel.
A quoi était due votre obésité ?
Elle était due à un problème que j'ai eu dans la petite enfance, un problème d'affect au niveau de la relation à la mère entre 0 et 2 ans. Mes parents avaient des problèmes d'incompatibilité sanguine. Je suis l'aînée de 7 enfants dont 5 ont été portés par ma mère en sachant qu'ils seraient morts-nés. J'ai vécu dans le silence et le non-dit. Il y a des périodes de vie dont je ne me rappelle pas. Je n'ai aucun souvenir de ma mère enceinte par exemple. J'étais une petite fille sage et ne parlais pas beaucoup, comme si je n'existais pas. J'ai le souvenir d'un climat lourd, sans gaieté, avec l'impression d'avoir vécu dans la mort. Comme on ne m'avait pas expliqué, je me sentais coupable d'être vivante. Mon père a sûrement culpabilisé car ma mère aurait pu avoir une opération de ligature des trompes, mais pour des raisons religieuses, c'était impossible de le faire.
Comment vous en êtes-vous sortie ?
Il n'y pas si longtemps, environ 2 ou 3 ans, après le décès de ma mère et après une rupture amoureuse. Cette mise en échec m'a fait beaucoup réfléchir et permis de faire beaucoup de travail sur moi. De plus, j'ai rencontré quelqu'un avec qui je travaille régulièrement et avec qui j'ai mis au point une méthode qui donne des résultats assez époustouflants. C'est une méthode qui passe par le corps parce que le toucher est très important dans cette pathologie de l'émotionnel. Le cerveau émotionnel apparaît très tôt, entre 0 et 2 ans, et quand le bébé souffre à cet âge-là, il n'a aucune possibilité d'établir une stratégie de défense. Sa seule possibilité, c'est la sécrétion d'adrénaline, marquée dans sa mémoire émotionnelle. Plus tard, dans sa vie adulte, quand une douleur revient, celle de l'enfance renaît. Quand on est en situation d'angoisse, on n'a pas de possibilité d'établir de stratégie de défense.
Quelques conseils nutritifs
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Marie Gagnon © Le Journal des Femmes/Cécile Debise
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Quelles sont les clés de la réussite d'un régime selon vous ?
C'est la longueur, c'est pour ça que je préconise une aide thérapeutique. L'autre, c'est de faire un régime en mangeant.
Il paraît que le stress fait grossir. C'est vrai ? Pourquoi et comment s'en débarrasser ?
Il fait grossir par deux mécanismes : la sécrétion de cortisol, l'hormone du stress, qui augmente l'appétence pour le sucre. L'autre raison, c'est la mise en place du système sympathique, indépendant de la volonté, qui fait qu'on a des battements cardiaques et des contractions musculaires involontaires. On est alors en rétention. Le stress, ça peut être le quotidien et beaucoup de gens ne s'en rendent pas compte. Ils sont contractés en permanence. C'est pour ça que je préconise de ne pas se peser pendant un régime.
A quel moment de la journée est-il préférable de manger les fruits, le fromage, le chocolat ?
La chrononutrition est basée sur le cycle du cortisol, de l'insuline et de la glycémie. Je me base peu sur ce principe. Un sucre, il ne faut jamais le prendre à jeun. Boire un jus de fruit à jeun, c'est mauvais pour la prise de poids car le sucre du fruit passe directement dans le sang. En revanche, si on prend du pain complet avec du beurre puis un jus de fruit, on ne crée pas de décharge d'insuline et le sucre ne passe pas directement dans le sang. C'est une question d'association d'aliments. Il faut éviter les décharges d'insuline. Par exemple, en période de régime, on a tendance à manger des yaourts à 0 % aux fruits : ils font monter la glycémie et quand on diminue les corps gras, on accentue la montée d'insuline par rapport à un yaourt où il y aurait plus de lipides. C'est pour ça qu'une collation idéale, c'est un fromage plus un fruit. Par ailleurs, le fromage est moins absorbé grâce aux fibres du fruit et crée la satiété.
Comment faire pour arrêter de grignoter entre les repas ?
Il faut commencer par passer à quatre repas par jour : trois repas normaux et une collation à 16h. Ensuite, il faut prendre des vitamines car on n'est plus fatigué et on arrive plus facilement à arrêter les sucres rapides. Il faut également passer aux féculents complets et augmenter les protéines. Il faut se méfier des faux sucres (aspartame, soda light) car ils entretiennent les envies de sucre. Une des raisons pour lesquelles la France est un peu moins touchée par l'obésité, c'est la tradition de manger à table en famille. Les jeunes le font moins souvent hélas et consomment plus de faux sucres.
Est-ce que l'on peut manger les féculents le soir ou plutôt le midi ?
Idéalement c'est mieux le midi, mais c'est difficile avec notre mode de vie. L'idéal ce sont les féculents complets. Il faut faire attention car le riz blanc japonais, les pâtes blanches, les pommes de terre, les sandwichs sont des sucres rapides. Ils ont le même impact que le chocolat.
Arrêt du tabac, ballonnements, faim excessive
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Marie Gagnon © Le Journal des Femmes/Cécile Debise
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Je fais de la gym, je marche, je fais attention à ce que je mange et je ne perds pas ! De plus, je suis atteinte d'une maladie génétique (syndrome de Turner) et d'après le gastro-entérologue, mon côlon serait plus long que la normale. Cela peut-il avoir une incidence ?
Oui, une petite incidence. A mon avis, on ne doit pas perdre de poids par le sport car si on garde un poids en faisant 5h de sport par semaine, à partir du moment où on arrête, tout devient problématique. En fait, à mon avis, le poids doit dépendre de l'hygiène alimentaire. Je ne dis pas que le sport est mauvais, mais le sport à outrance pour la perte de poids est à éviter sans compter qu'un surpoids de 10 kilos est équivalent à 40 kilos de plus sur une articulation. Les personnes en surpoids s'abîment les articulations en faisant du sport à outrance.
Je ne sais plus comment faire. Je pèse 102 kilos pour 1m72 et mon souci, c'est que je mange tout le temps, j'ai faim à longueur de journée. J'aimerais savoir comment m'en sortir.
Pour beaucoup de gens, la nutrition se résume à une liste d'aliments permis et interdits. C'est plus que ça. C'est une gestion des aliments qui permet de jouer sur les hormones du corps. Dans mes régimes, il y a deux choses importantes au niveau du choix des aliments : c'est l'augmentation des protéines maigres en grosse quantité de manière à diminuer l'appétit et à augmenter la combustion des calories, et l'autre point c'est l'utilisation en début de régime de féculents complets afin de diminuer les envies de sucres rapides et afin de jouer sur l'insuline qui fait stocker les graisses. Cela s'apprend et on peut gérer ça tout seul après.
Pour ma part, je mange un peu de tout et pas en grosse quantité et pourtant, dès que je fais un écart, par exemple un gros repas avec pâtisseries et boissons alcoolisées, je suis sûre que le lendemain la balance accuse de suite un kilo de plus. Pourquoi, puisque le reste du temps je fais attention ?
C'est typique quand on mange très peu. L'organisme s'habitue à brûler peu de calories pour économiser son énergie. Ce qui entraîne, lors des écarts, une reprise du poids. C'est pour ça qu'un régime doit être fait en mangeant beaucoup de protéines maigres, de façon à faire travailler le métabolisme. Voici une image que j'aime bien utiliser : quand un enfant est habitué à faire six devoirs chaque soir, si on lui en donne sept, il saura faire. En revanche, un enfant qui a l'habitude de n'en faire qu'un, si on lui demande sept, il ne sait pas faire.
J'ai constamment des ballonnements ? A quoi est-ce dû ?
C'est peut-être dû au système nerveux sympathique qui fonctionne de trop à cause du stress et qui crée des contractions inefficaces au niveau de l'intestin. Il y a aussi des problèmes de flore intestinale déstabilisée par l'utilisation d'antibiotiques, de pesticides, de conservateurs et autres. 75 % de l'immunité est au niveau de l'intestin. A tel point que si on donne des probiotiques, qui sont de bonnes bactéries, à une femme enceinte entre 4 et 9 mois de grossesse, il y a 100 % de chances pour que son enfant ne soit pas allergique. Il y a des traitements de probiotiques sur le marché. Il faut les prendre à jeun, au petit déjeuner.
J'ai arrêté de fumer il y a un mois, je fais très attention de ne pas trop compenser par la nourriture mais j'ai quand même pris deux kilos.
Avec l'arrêt de la cigarette, le métabolisme est ralenti d'environ 25 %. Donc avec un régime restrictif, on rend encore plus paresseux son métabolisme, d'où l'importance de manger beaucoup plus de protéines après l'arrêt de la cigarette. En mangeant peu, on ne brûle plus.
Fringales, ménopause, cellulite
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Marie Gagnon © Le Journal des Femmes/Cécile Debise
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A part la viande rouge que je ne supporte pas le soir, dans quels autres aliments trouve-t-on des protéines en abondance ?
Dans les fromages, mais comme ils contiennent beaucoup de lipides, il faut faire attention au choix et à la quantité. Je recommande donc les allégés. Les viandes et les poissons contiennent 22 % de protéines, les œufs, 15 %, les lentilles et le tofu, 25 %. Il y a aussi les amandes et les fruits secs, mais plus riches en calories. Un poisson, même d'élevage, est meilleur qu'une viande moyenne.
Prise de poids due à la ménopause : comment parvenir à la stopper, et, éventuellement revenir à son poids forme (dix kilos de moins) ?
Il y a des changements de morphologie normaux au moment de la ménopause. On gagne du ventre et on perd sa taille car on a une diminution de nos hormones féminines. On peut perdre du poids à la ménopause avec le système des protéines maigres élevées, mais sous forme d'aliments et non en sachets (qui sont à proscrire). On arrive à perdre, mais c'est plus lent.
J'ai des fringales vers 17h30, 18h. Que faire pour y remédier ?
Mangez du fromage allégé d'abord puis un ou plusieurs fruits. Evitez le raisin, la cerise, la mangue et la banane qui ont un indice glycémique élevé.
Quel serait le poids idéal pour moi, par rapport à ma petite taille (1m38) ?
Ce qui est important, c'est le poids que vous êtes capable de garder, sans être au régime tout le temps. Je ne suis pas formelle, je ne regarde pas l'étape de poids. Je tiens beaucoup plus compte de l'allure et de la silhouette que du poids. Généralement, ce sont les patientes qui me disent quand elles se sentent bien à tel ou tel poids.
Je ne suis pas grosse (56 kilos pour 1m58), je fais du sport et actuellement un régime mais j'ai de la cellulite que j'aimerais perdre. J'ai du mal à proscrire le sucré complètement.
Le régime ne joue pas sur la cellulite. La seule manière de jouer sur la cellulite, ce sont les massages manuels mécaniques pour fluidifier les tissus adipeux indurés car ils sont localisés depuis un moment et mal vascularisés. Ils ne peuvent donc pas s'éliminer, ni par certains appareils mécaniques, ni par le plateau vibrant car ils sont adhérents au muscle et inacessibles. La première étape, c'est de fluidifier le tissu adipeux à la main, ce qui se désengorge les vaisseaux et les nerfs avoisinants, et permet de remettre en circulation les vaisseaux et donc d'augmenter la température du corps et des tissus. Une fois que les tissus adipeux sont fluidifiés, le massage rétablit la circulation locale et générale, ce qui permet d'augmenter la combustion des calories. La liposuccion augmente l'inflammation et gêne la circulation par la fibrose post-opératoire donc dans un premier temps on a une diminution de volume et par la suite, un surstockage, sans compter que dans les mois post-opératoires, on prend plus facilement du poids.
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Marie Gagnon © Le Journal des Femmes/Cécile Debise
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Avant de commencer un régime, ne conseilleriez-vous pas de consulter un psychologue ? La prise de poids n'est-elle pas liée à un mal vivre ?
Il y a souvent un problème psychologique derrière un gros problème de poids. La boulimie est un problème de démesure. Les boulimiques mangent en grosse quantité quand ils sont seuls et pas forcément des aliments qu'ils aiment. C'est une angoisse importante comparable à celle d'une noyade avec aucune possibilité de se rationnaliser et l'impression d'être dédoublé. On se voit faire en continuant de faire ce qu'il ne faut pas. Quand j'ai écrit mon livre, j'ai regardé dans le Larousse et j'ai vu que ce sujet était mal connu. La définition était une faim excessive alors que ce n'est pas ça. C'est une réaction de survie suite à une reconnections des réseaux qui ont fonctionné de façon exagérée dans la petite enfance.
"Ce qui se passe est tellement démesuré que les gens ont du mal à s'imaginer ce qui est à l'origine de ces crises" |
J'ai moi-même fait la démarche de consulter un psychologue à l'âge de 20 ans et je n'ai trouvé aucune écoute, aucune compréhension de ce dont je parlais. Il y a des tas de choses que je n'osais pas dire car j'avais honte. C'est tellement démesuré que les gens ont du mal à s'imaginer ce qui est à l'origine de ces crises. J'avais l'impression d'être jugée. C'est cette discordance qui m'a fait cesser d'aller dans cette direction car malheureusement, le problème est mal compris. J'ai des patientes anorexiques et boulimiques qui ont été traitées en milieu hospitalier par des psychiatres censés connaître la boulimie avec des réflexions thérapeutiques qui montrent bien qu'il n'y a pas de réelles connaissances du problème.
Vous dites qu'il faut avant tout aimer son corps, mais ça ne se commande pas !
Je n'ai pas dit ça. On ne peut pas aimer un corps qu'on ne trouve pas beau. Effectivement, cela ne se commande pas. Il s'agit d'essayer de retrouver le corps pour lequel on est fait. La preuve, il y a des gens qui viennent me voir après avoir s'être vus en photos. L'important c'est de faire la démarche pour retrouver le corps fait pour nous.
Un dernier mot pour nos lectrices ?
L'importance de la connaissance des aliments. Autre recommandation, garder son bon sens : on ne mange pas de poudre et on ne fait pas 4h de gym par jour... Il faut se mettre dans la tête que régler son poids fonctionne sur la longueur et avec de l'aide.
L'expertise du vécu
Marie Gagnon exerce en cabinet dans le 9e arrondissement à Paris. Elle est nutritionniste, spécialiste des problèmes de poids et de comportements alimentaires depuis 20 ans. Ancienne obèse et boulimique, elle nous livre en 2004 un premier ouvrage intitulé "Le poids ravageur, une ancienne obèse devenue médecin parle". En juin dernier paraît "Pourquoi je ne maigris pas ? La désobéissance du corps", dans lequel elle revient sur les croyances liées au surpoids, sur ses origines émotionnelles, sur les épreuves qu'elle a traversées, mais aussi les réussites de son approche. Difficile de faire ce que l'on veut de son corps, de se sentir bien dans sa peau quand les kilos se font envahissants. Marie Gagnon l'a appris à ses dépens. Qui mieux qu'elle peut parler de surpoids et de tout ce qu'il engendre ?