22 MAI 1848 EN MARTINIQUE.
Le 22 mai, une révolution
martiniquaise
Le colonialisme français a volontairement caché cette vérité historique tout comme il cherche à occulter son passé esclavagiste. Les horreurs de la déportation de millions d’Africains, l’esclavage, le Code noir de Colbert, instrument juridique du système esclavagiste et colonial, voilà le vrai visage de la France officielle que les révisionnistes de l’UMP tentent de gommer.
La vérité historique sur la libération des esclaves, nous la devons à Gabriel Henry dans les années cinquante et surtout aux travaux de recherches d’Armand Nicolas, historien et ancien secrétaire général du PCM. La brochure « La révolution anti-esclavagiste de mai 1848 à la Martinique » reste un document essentiel de vulgarisation pour tous ceux qui veulent comprendre cette page de notre histoire.
Grâce à la grande mobilisation du peuple martiniquais, nous sommes parvenus à imposer au pouvoir colonial la célébration du 22 mai, journée chômée et payée , tout comme l’abrogation de la « loi de la honte » du 23 février 2005. Le 22 mai reste un acquis déterminant dans notre long cheminement vers l’émancipation de notre peuple.
Célébrer aujourd’hui l’abolition de l’esclavage, c’est rendre hommage à ces hommes et femmes arrachés à leur terre d’Afrique, déportés dans des conditions inhumaines et enchaînés durant plus de trois siècles pour le profit colonial. C’est aussi saluer leur capacité de résistance depuis les cales des bateaux négriers jusque dans les plantations de canne grâce en particulier aux nègres marrons.
De la proclamation de l’abolition de l’esclavage à nos jours, les anciens maîtres esclavagistes richement « dédommagés par la perte de leurs esclaves », ont continué à travers leurs descendants à dominer économiquement la Martinique, avec la bénédiction du pouvoir central parisien. De l’économie de plantation à celle de la société de consommation, la caste des békés a toujours orienté les choix économiques à son profit et celui de la puissance coloniale Française. Et le 22 mai vient chaque année nous rappeler l’exigence d’une lutte permanente pour renverser ce système.
Certes, le colonialisme Français a dû, par la puissance de notre revendication nationale, faire des concessions, sans pour autant renoncer à ce qui constitue son fondement principal : la domination. La Martinique, terre peuplée d’hommes et de femmes venus d’Afrique, d’Asie, d’Europe, est une terre de résistance, de révolte contre l’oppression coloniale française.
Après la reconnaissance officielle du 22 mai et de l’esclavage comme crime contre l’humanité, le droit à réparation est la bataille du peuple martiniquais.
La traite et l’esclavage des Noirs ont été reconnus "crimes contre l’humanité" par le Parlement français en mai 2001. Le texte de la députée socialiste de Guyane, Christiane Taubira-Delannon, permet de rendre enfin justice à un grand nombre de personnes (entre 15 et 30 millions), qui, à partir du XVe siècle, aux Amériques, aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe furent l’objet d’un asservissement et d’une exploitation indignes.
La France veillera désormais à ce que les manuels scolaires et les programmes d’histoire évoquent sans ambiguïté ce sujet sensible. Une date sera prochainement fixée par le gouvernement pour commémorer en métropole l’abolition de l’esclavage, acquise en France dès 1848, à l’instar de ce qui existe dans les départements et territoires d’outre-mer (Guadeloupe, Réunion, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française...) depuis 1983. Cette commémoration officielle sera un signe fort de ce processus de reconnaissance et de mémoire longtemps attendu par les populations concernées. L’Unesco, par la voix de Doudou Diène, en avait déjà souligné l’importance : "car c’est peut-être là que sont en train de se former non seulement les réponses à l’antagonisme racial qui a perduré au-delà de la dimension matérielle de la traite, mais également toutes les fécondités d’un dialogue interculturel ouvert sur l’avenir.
HISTOIRE DE L'ESCLAVAGE EN MARTINIQUE
Avant 1635 :
Colonisation par les Français. L’esclavage est aboli sur la terre de France. Pierre Belain d’Esnambuc , ancien corsaire normand est envoyé dans les colonies par la compagnie des Iles d’Amérique dont un des principaux actionnaires était le Cardinal de Richelieu.
Richelieu est l’un des pères fondateurs de la colonisation française.
1635 :
Colonisation de la Martinique par d’Esnambuc.
1639 :
La compagnie autorise l’importation d’engagés (les travailleurs français qui s’engageaient pour 36 mois) d’une part et des esclaves achetés sur les côtes d’Afrique d’autre part.
Le tabac est fabriqué en Martinique et nécessite donc peu de main d’œuvre faite essentiellement du concessionnaire (celui à qui on a donné le terrain sous forme de concession) et des engagés. Au bout de 36 mois, les engagés demandaient à leur tour une concession.
1640 :
La compagnie a des difficultés et vend l’île à Dyel Duparquet, un seigneur normand. Les Indiens caraïbes sont les alliés de Duparquet. Un édit du Roi interdit leur mise en esclavage pour des raisons stratégiques.
A l’époque, très peu d’esclaves sont sur les plantations martiniquaises. (environ quelques dizaines).
1645 :
Des colons Juifs Hollandais, expulsés du nord-est Brésilien par les Portugais, passent en Martinique où ils apportent les secrets de fabrication du sucre.
La culture de la canne à sucre remplace celle du tabac aux Antilles et fait la fortune de la Martinique au XVIIIe siècle. Avec les premières techniques de distillation du jus de canne, améliorées par le Père Labat dès 1694, s’ouvre l’ère de l’alcool.
Les premières sucreries sont montées en Martinique, les capitaux sont fournis par les marchands des différents ports de France et de la région parisienne.
On se rend compte rapidement que la main d’œuvre engagée est insuffisante pour permettre le développement de la production sucrière. Les négociants et capitaines des navires poussent donc à l’utilisation d’esclaves.
La traite régulière s’organise d’abord avec les Hollandais puis ensuite avec les Français qui montent la compagnie du Sénégal. Celle-ci obtient les primes du Roi de France (Louis XIV) pour chaque tête d’esclave introduite en Martinique.
L’île de Gorée, au large de Dakar, sera l’un des lieux de concentration de la traite française qui part du Havre, de Nantes , de la Rochelle …
La pacotille est échangée contre des esclaves aux trafiquants de la côte des esclaves (du Sénégal jusqu’au Nigeria actuel).
1685 :
Colbert, ministre de louis XIV, synthétise dans un texte sous le nom de "code noir " l’ensemble des instructions concernant les esclaves dans les colonies.
1685-1717 :
La Martinique se couvre de sucreries. L’île est revenue dans le domaine Royal.Il faut environ entre 2 et 3 esclaves par hectares plantés en canne. La Martinique a plus d’esclaves que de colons. L’un des problèmes auxquel est confronté le système esclavagiste est double : d’une part il existe une résistance des esclaves sous toutes ses formes (révoltes, empoisonnement, suicide…) et d’autre part le problème de l’équilibre entre les hommes et les femmes pour permettre la naissance d’esclaves. Il faut donc importer des femmes. Le statut des enfants suit le sort de la mère : un enfant né d’une mère esclave et d’un père libre deviendra esclave.
1715 :
Plus de 1400 expéditions régulières partent de Nantes.
1717 :
Révolte des blancs appelée " Gaoulé " contre le gouverneur et l’intendant qui sont renvoyés au régent. Le port de Nantes va être autorisé à s’occuper du trafic de traite des esclaves.
1787-1788 :
La Martinique sert de point de passage du ravitaillement en armes des insurgents américains contre les Anglais. Rochambeau , qui a commandé aux USA, est envoyé comme gouverneur de la Martinique au début de la révolution.
1789-1790 :
Les Anglais essayent d’occuper l’île et Rochambeau mobilise les milices pour résister et incorpore des esclaves dans ses troupes en leur promettant la liberté s’ils se comportent comme des soldats. On appelera ces esclaves sous la restauration après 1818 "les libertés Rochambeau" et parfois "libres de fait" ou "libres de Savane".
Comme pendant la révolution il est impossible d’exporter les sucres vers la France en pleine guerre révolutionnaire et d’importer la nourriture nécessaire en particulier aux esclaves, ces derniers doivent se débrouiller eux-mêmes pour planter ce qu’ils vont manger. La pression des maîtres sur eux diminue.
1793 : Révolution française.
A la suite des pressions organisées par la société des amis des noirs et d’humanistes comme l’Abbé Grégoire , la convention proclame l’abolition de l’esclavage.
La Martinique ne reconnaîtra pas l’abolition contrairement à la Guadeloupe car le groupe de colons mené par Dubucq va être occupé par les Anglais.
Janvier 1794 :
Les républicains acceptent de faire appliquer plus franchement la loi égalitaire votée en mars 1792 par la législative. La majorité des libres de couleur change de camp, pendant que leurs anciens alliés négocient la remise de l’île à l’Angleterre. Après la capitulation de mars 1794, les défenseurs de la République sont déportés par les anglais.
L’abolition de l'esclavage, votée par la Convention le 4 février 1794, est restée sans effet à la Martinique du fait qu’elle appartienne aux anglais. C’est la différence avec la Guadeloupe où l’esclavage a été aboli au temps de Victor Hugues, commissaire de la République. L’esclavage y sera rétabli le 19 mai 1802 sous le règne de Napoléon 1er.
1814-1830 :
La majorité des Blancs estime que seuls un régime inégalitaire ignorant la séparation des pouvoirs et le système représentatif permettront la survie de la colonie. Lors de la rédaction de la Charte de 1814, ils obtiennent le rétablissement provisoire des institutions de l’Ancien Régime. Sans précipitation, les gouvernements de la Restauration s’efforceront d’amener les colons à accepter le droit commun.
1822-1826 :
La dégradation de la situation économique liée à la taxation des sucres à l’entrée en France, puis au début de l’industrie betteravière, entraîne des résistances. En même temps, hommes libres de couleur et esclaves sont suspectés de tendances séparatistes. On prétend que l’usage du poison ferait partie de leurs arguments.
Au mois d’octobre, des demi-libres se révoltent au Carbet. Les accusations de subversion portées en décembre 1823 contre Bissette, un cadre de couleur, et les déportations massives opérées en 1824 pour décourager les velléités de réformes égalitaires du gouvernement, n’empêchent pas le système représentatif de réapparaître en 1826, sous forme d’un Conseil général, élu par une très petite minorité. Cependant, deux ans après, la réforme judiciaire échoue.
1830-1846 :
Le sucre perd un tiers de sa valeur pendant que l’amélioration du sort des esclaves exige des dépenses croissantes.
Dans les habitations, le remplacement de la houe par la charrue allège le travail. Les premiers moulins à vapeur n’amènent pas de changements.
1830-1833 :
Les libres accèdent à tous les emplois et deviennent électeurs et éligibles. L’enseignement primaire se développe. Néanmoins, l’égalité reste limitée.
La préparation des élections au Conseil colonial qui remplace le Conseil général développe l’agitation. En décembre 1833, dans la paroisse de Grand’Anse (aujourd’hui le Lorrain) où, de plus, les planteurs ont refusé la nomination d’un officier de milice de couleur, une révolte, soutenue par la ville de Marigot, entraîne la dissolution de la milice. L’amélioration du sort des l’esclaves est liée à une reprise démographique qui compense l’arrêt de la traite. Elle annihile en partie les efforts de l’Etat qui, après 26 000 affranchissements, n’a vraiment réussi à régler que le sort des libres de fait, personnes affranchies dont la liberté n’était pas reconnue par l’administration.
1845 :
La première usine, celle de John Thorp, est créée et engendre de nouveaux rapports de forces en réduisant les habitations des alentours au rôle de fournisseur de cannes. En contrepartie, celles-ci n’ont plus besoin du travail de nuit et leurs revenus augmentent. Mais le besoin d’une main d’œuvre, que l’usine ne pourra trouver facilement que lorsque chacun pourra offrir son travail librement, contribue à faire admettre le remplacement de l’esclave par l’ouvrier.
1848 :
En février, la révolution est accueillie avec soulagement. Le décret d’émancipation est signé à Paris le 27 avril. Il ne sera connu que le 3 juin. En avril, le décret du 4 mars créant la Commission d’émancipation fait parler d’émancipation de droit, car "nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves".
Loin de poursuivre les marrons , les maîtres expulsent les fortes têtes. Des ateliers en grève réclament case, jardin et salaire comme attributs de la liberté.
Victor Schoelcher , secrétaire d’Etat à la marine et aux colonies, est un homme très important à cette période. Il est l’ennemi juré de Bissette qui a refusé de le nommer à la Commission d’émancipation. Ses amis se mobilisent pour faire réparer cette injustice. Des émeutes s’en suivent.
Sous la pression de Victor Schoelcher** (1804-1893), le gouvernement provisoire de la IIe République décrète la fin de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises. En accord avec les idéaux de la Révolution, cette décision avait déjà été prise par la Convention le 4 février 1794, mais sous la pression des planteurs antillais, Napoléon avait rétabli la traite et l’esclavage en 1802.
Victor Schoelcher**
-Né en 1804 à Paris, Victor Schoelcher est d'origine alsacienne. En 1830, son père, fabriquant de porcelaine réputé, l'envoie prospecter le marché américain, mais aussi l'éloigner des milieux républicains qu'il fréquente. Il visite le Mexique, les États-Unis d'Amérique, les Antilles… et découvre la réalité de l'esclavage. Au retour, publie dans La revue de Paris, sa première prise de position anti-esclavagiste. Plus tard, devenu sous-secrétaire d'Etat à la Marine, Victor Schœlcher fait adopter, le 27 avril 1848, le fameux décret d’abolition de l’esclavage sur toutes les terres françaises, rendant la liberté à 260 000 esclaves.
-Victor Schœlcher est ensuite député de la Martinique, avant de s'exiler en Angleterre à cause de ses idées républicaines. Il est de retour en France en 1870 et participe à la Commune. Il redevient député puis sénateur. Victor Shoelcher est mort, le 25 décembre 1893, à l'âge de 89 ans, à Houilles. Ses cendres ont été transférées au Panthéon en 1949.
22 mai 1848 :
Des capitalistes réclament l’émancipation immédiate. Les abolitionnistes, qui attendaient l’arrivée du polytechnicien de couleur Perrinon , reprennent cette solution à leur compte. La décision locale d’abolition, du 23 mai, permet aux Martiniquais de proclamer leur fierté d’avoir pris leurs affaires en main à un moment crucial.
Les émeutes du 22 mai ont provoqué la proclamation de l’émancipation onze jours avant l’arrivée du décret. Les nègres ont brisé leurs chaînes ("Nèg pété chenn").
AUJOURD'HUI , MALHEUREUSEMENT L'ESCLAVAGE EST TOUJOURS PRESENT..............................
Aujourd'hui, il y a encore des esclaves. Ce sont 250 millions d'enfants qui travaillent dans le monde (par exemple au Pakistan pour fabriquer des baskets). Mais ce sont aussi des jeunes filles Philippines ou Africaines qui viennent en France. Elles travaillent très dur, ne sont presque pas payées, mangent et dorment très peu, sont battues et même, parfois violées.
Comment, de nos jours, des hommes peuvent-ils traiter d'autres hommes de cette façon-là ?
Rachida, 13 ans, est béninoise. Pendant 7 mois, cette fillette servait de petite bonne à une compatriote qui l'avait fait venir du Bénin à cet effet. Suite à une altercation violente avec sa marâtre, Rachida s'est enfuie chez une voisine qui a alerté le CCEM. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée devant le Parquet de Versailles. Rachida est aujourd'hui prise en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance (A.S.E).
Mehret K. Erythréenne, née en 1971, était séquestrée à Boulogne-Billancourt (92), depuis trois mois, au domicile privé de la première secrétaire d'une ambassade du Proche-Orient. Privée d'identité et de salaire, la jeune esclave " trimait " 18 heures par jour et dormait à même le carrelage de la cuisine. Prévenu par une association de réfugies Erythréens, le CCEM est immédiatement intervenu pour la libérer physiquement. Le CCEM, avec la médiation de l'ambassadeur du pays sus mentionné, a obtenu 30.000FF, pour Mehret K., en réparation des torts causés. Depuis, Mehret a obtenu le statut de réfugiée politique.
Je ne pouvais pas ne pas traiter ce sujet si douloureux aujourd'hui...............Nous avons un devoir de mémoire, mais pas de haine, ni d'animosité!
Je vous parlerais bientot de l'abolition de l'esclavage en guadeloupe, car ici on le commémore le 27 Mai.
BISOUS A VOUS TOUTES...............