Après avoir fait bombance à outrance, l’heure n’aurait-elle pas sonné de s’essayer à l’art de la frugalité ? Pour autant, toutefois, qu’elle soit associée à la volupté. Leçon de choses.
Attitude: Laurence Dardenne
LE TEMPS DES EXCÈS ET TENTATIONS en tous genres passé, le moment ne serait-il pas bienvenu de s’essayer à l’art de la frugalité ? Non pas s’astreindre à ces contraignants régimes que l’on nous serine en pareille saison, mais plutôt s’initier à un art de vivre bien plus subtil. Qu’une fois adopté, il paraîtra bien difficile de s’en écarter.
Il y a peu (“Momento” n°45 du 5 au 11 décembre 2009), Dominique Loreau nous avait invité à la suivre dans “L’Art de la simplicité”, véritable éloge du minimalisme devenu pour elle une évidence quotidienne. C’est dans le même esprit que l’auteure, Française établie au Japon depuis une trentaine d’années, nous propose à présent “L’Art de la frugalité et la volupté” (1). Car il s’agit bien de concilier l’un et l’autre. “Anticipez le plaisir de manger, suggère l’auteure. Plus vous attendrez de vous mettre à table, moins vous mangerez. Et faites de chaque repas une célébration. Contentez-vous avec le plus grand délice de ce qui est véritablement nécessaire à votre bien-être. Plus que la nourriture, appréciez votre sagesse, votre retenue, votre détachement”.
Mais avant d’en arriver au plaisir de vous savoir frugal, à ce point où la frugalité deviendra… volupté, encore faut-il retrouver les règles du bon sens en matière d’alimentation. Ce n’est pas très compliqué, estime Dominique Loreau. Pour elle, il suffirait de manger moins, ne consommer que des produits de qualité, cuisiner soi-même, prendre du temps et du plaisir à manger et, surtout, ne pas accorder à ces activités plus d’importance qu’elles n’en ont en réalité.
“Se nourrir avec volupté mais frugalité… n’est-ce pas là le désir secret de chacun ?, interroge-t-elle encore. Se nourrir sans frustration, sobrement, sans excès et sans complication, et savourer, bouchée par bouchée, les mets que nous choisissons, n’est pas impossible. Mais cela s’apprend”. Et c’est bien entendu tout le contenu de l’ouvrage dont il est ici question.
Entre autres étapes de ce long processus, il s’agira de ramener son estomac (voir par ailleurs) à la taille normale et lui réapprendre à ressentir la faim et la satiété. “C’est souvent parce que l’on mange sans avoir réellement faim que l’on mange… sans fin.” Ceci implique donc d’être à l’écoute de ces sensations. Celle d’un petit jeûne, de temps à autre, pas exemple le temps d’un long voyage en avion. “La nourriture y est souvent médiocre, et il n’y a aucune tentation à l’horizon !”
D’autres astuces pour changer lentement mais sûrement ses mauvaises habitudes ? faites des petites portions. “Lorsque vous cuisinez, pensez “dînette”.” Optez, pourquoi pas, pour les baguettes. “Les Orientaux disent que manger avec des baguettes permet de choisir et de sélectionner sa nourriture avec plus de précision et de choix qu’avec une fourchette, et que le goût des aliments est moins modifié au contact du bois que du métal”, écrit encore Dominique Loreau. On déguste, on picore, on savoure…
Point de régime pour celle qui n’est ni diététicienne ni nutritionniste, mais plutôt des autolimites. “En Occident, les méthodes d’autodiscipline sont relativement peu développées, fait remarquer cette Japonaise d’adoption, au contraire, chez un Japonais, l’autodiscipline est enseignée dès l’enfance comme une valeur intrinsèque à acquérir. […] Le self-control a un côté rétrograde en Occident, alors qu’il est considéré en Asie comme le plus important des trésors. Or, l’épicurisme, on l’oublie trop souvent, se fonde sur les mêmes principes : manger peu permet d’accéder à d’autres plaisirs. Manger frugalement n’est pas l’équivalent de faire un régime. Toute personne perdant du poids se sent doublement heureuse : non seulement, elle connaît une nouvelle légèreté, mais elle a le contrôle d’elle-même”.
(1) “L’Art de la frugalité et de la volupté”, Dominique Loreau, Robert Laffont, 19 €.
SUGGESTIONS DE "REGLES D'OR"
Dans son ouvrage “L’Art de la frugalité”, Dominique Loreau suggère quelques “règles d’or” à se fixer pour manger moins, tout en veillant à les limiter en nombre au risque de ne pouvoir les respecter. Exemples.
Chez soi. Ne pas manger ou boire en faisant la cuisine; ne jamais manger directement ce qui sort du réfrigérateur ou du placard, mais toujours placer la nourriture sur une assiette ou dans un bol; même s’il ne s’agit que d’un snack, manger assis, pour en profiter un maximum; commencer tous ses repas par une soupe ou une salade; à la fin du repas, avant de débarrasser la table, emballer immédiatement les restes dans un film cellophane pour ne pas être tenté d’en reprendre un peu…
Au restaurant. Commander les sauces à part; ne pas manger de pain; partager une entrée, un dessert et, dans les pays où c’est d’usage, faire emballer les restes pour les emporter à la maison…
Chaque jour de sa vie. Boire un grand verre d’eau au lever et un autre au coucher; prendre trois repas légers par jour; excepté les légumes, ne pas se resservir; ne consommer qu’un seul carré de chocolat (le meilleur) à la fois; à deux jours de “dérapage”, deux de “rattrapage”; manger avec les autres pour le plaisir, seul pour la santé; des soupes en hiver, des salades de crudités en été; ne pas prendre plus de cinq repas par semaine à l’extérieur;…