Sauver quelqu’un… Sylvain n’avait pas idée de ce que ça allait impliquer. Pensez-vous, à 14 ans, on ne pense pas à ces choses là. De plus, il pensait que sauver quelqu’un, c’était le seul moyen de faire une Bonne Action. Tout au long de sa vie, Sylvain décrivit ce rêve à de nombreuses personnes finalement, mais sans donner le sens qu’il lui accordait. Pour ceux qui l’écoutaient, c’était le rêve puéril d’un adolescent, rien de plus. Aucun d’eux ne pouvait savoir que ce serait grâce (à cause ?) de lui, que certains survivraient.

Sylvain était obsédé par cette idée.

Il guettait les enfants traversant au carrefour en espérant que l’un d’entre ne serait pas vu par un de ces « chauffards à la con » comme disait son père quand il était encore en vie. Il s’imaginait la scène : lui courant vers le gosse, sautant au travers de la chaussée, harponnant le marmot, faisant une roulade en évitant le pare-choc de la voiture de justesse, ou même en étant légèrement percuté. Il était un héro, son héro. D’autres fois,  il se voyait dans un ascenseur qui tombait suite à une rupture de câble. Pendant la chute, il se voyait expliquer aux personnes avec lui comment faire pour en réchapper.

« Dès que vous voyez marqué 1 sur l’indicateur, vous sautez de toutes vos forces verticalement, comme ça, ça sera comme si nous tombions d’un seul étage ». Sylvain sauvait ainsi 2 ou 3 personnes d’un seul coup. Il réfléchissait à tout autant d’actions plus ou moins spectaculaires afin de sauver des vies. Ces journées étaient remplies de cette attente, de cette impatience.

A cette époque, il était mince voir maigre. Sur ces jambes, on ne voyait que 2 genoux proéminents. Sur son torse, les côtes étaient visibles, même de loin. Il avait une coupe de cheveux classique : la raie sur le coté. Il était brun et avait des millions de tâches de rousseur sur la figure. Pour finir, il portait des lunettes, et son œil droit partait un peu sur l’extérieur quand la fatigue se faisait sentir.

A ce moment là, les filles ne l’avaient jamais intéressé, et d’ailleurs, elles lui rendaient bien.

Cet été là (les premiers flirts se passent toujours en été, non ?), ces parents avaient loué un mobile home dans un camping sur la côte d’azur. C’était sympa, à part la chaleur qui l’empêchait de dormir. Bizarrement, quand Sylvain était en vacances, son obsession de sauver quelqu’un s’évanouissait. Il n’avait pas vu ses frères de toutes ces vacances qui étaient, lui semblait-il, comme volatilisés. Plusieurs activités étaient proposées, il y avait du ping-pong, une piscine, un terrain de volley. Il s’était fait plusieurs copains de son âge avec qui il jouait toute la journée au ping-pong. Le soir, de temps en temps, ils se promenaient ensemble dans l’obscurité naissante du camping.

Un de ces fameux soirs, ils entendirent une musique vers un endroit qui était parsemé d’herbe. Cette musique était entraînante mais Sylvain n’arrivait pas à l’apprécier, il la détestait. Il ne savait pas que 3 ans plus tard, il l’entendrait souvent comme une piqûre pour lui rappeler ces vacances là. Il était minuit quand son copain (surnommé Donald) à cause de son imitation exceptionnelle du héro de Walt Disney cria vers cette musique en imitant la chanson. Des voix de filles s’élevèrent : « Ho, les merdeux, allez jouer ailleurs. Donald renchérit suivi de Sylvain qui hurlait : « Hé les filles, c’est nul votre musique de merde ».