C'est "pour éviter un drame" que préfet et autorités judiciaires viennent de tenir une conférence de presse aussi solonelle que tendue à la préfecture. "Aucune défense aussi juste soit-elle ne peut justifier la mort et les blessures graves de quelqu'un" soupire Ange Mancini, préfet de région qui précise qu'il n'est "pas question de faire amalgame entre ces pilleurs, ces casseurs et les gens du collectif." Pour sortir de "la stratégie de riposte" et s'orienter vers "une stratégie plus dynamique en relation avec les autorités municipales de la ville de Fort-de-France", le préfet a lancé deux appels.
D'abord, il demande à "tous ceux qui n'ont pas de raison ou de motif" de ne pas se déplacer "après 19 heures".
"Ce n'est pas un couvre-feu mais une demande de participation à la sécurité générale de tous". "Il ne se passe rien après 19 heures" lance le préfet aux curieux. "Aucun couvre-feu n’est instauré à Fort de France mais" le préfet "recommande simplement après 19h de ne pas circuler dans les rues de Fort de France à tous ceux qui n’ont pas de raisons professionnelles ou personnelles urgentes de le faire".
Ensuite, il demande "aux parents d'interdire à leurs enfants de sortir en ville" après 19 heures.
Un appel qui trouve un écho du côté du ministère public qui précise que la responsabilité pénale des parents peut-être engagée par leurs enfants.
"Nous ferons respecter l'Etat de droit"
Côté justice justement, le ministère public veut se montrer ferme. "Nous ferons respecter l'Etat de droit" promet Claude Bellenger, Procureur de la république. "J'observe que les pillages ne concernent pas des produits de première nécessité, mais de produits de luxe." Aucune clémence à attendre donc - bien au contraire - de la part du parquet.
Le procureur promet qu'il fera requérir avec la plus grande sévérité contre les personnes interpellées. Il annonce en particulier vouloir faire appliquer les "peine plancher" pour les récidivistes. En clair, 10 ans de prison pour un vol avec violence en récidive, 3 ans pour un attroupement armé (5 ans, s'il ne se disperse pas après sommation).
Selon les informations du parquet, les casseurs interpellées seraient pour la plupart de jeunes majeurs. 27 doivent être jugés dans la journée.
Appel à la suspension des blocages
Conscient de la gravité de la situation, le préfet a lancé hier un appel à la responsabilité de tous. Avant d'en référer à la presse hier, Ange Mancini a demandé au « collectif du 5 février » de « condamner les violences » commises à Fort-de-France. Et, afin « d'éviter un drame », il a également appelé le collectif à suspendre les blocages et à libérer les zones industrielles. Deux requêtes qui n'avaient toujours pas obtenues de réponses hier en début d'après-midi. Les responsables du collectif indiquant ne pas avoir encore pris de décision. « Cela ne signifie pas pas l'arrêt des négociations », a-t-il bien insisté par ailleurs. « Elles sont âpres, difficiles et dures mais elles existent. Il faut que chacun prenne conscience de la gravité de la situation. Nous ne sommes pas dans une négociation classique normale mais dans un mouvement populaire et c'est aussi en fonction de ça qu'il faut réagir ».
Les émeutes en chiffre
Selon les chiffres communiqués par la préfecture, 15 véhicules ont été incendiés (5 durant la permière nuit, 10 durant la deuxième), plusieurs dizaines de commerces ont été pillés ou saccagés à Fort-de-France (une cinquantaine cette nuit), une centaine de personnes ont été interpellées (28 la première nuit et 67 cette nuit), 22 coups de feu ont été tirés"en direction pour la plupart des forces de l'ordre" a précisé le procureur général. Les émeutes ont déjà fait 12 blessés légers (3 la première nuit et 9 durant la seconde, dont 2 policiers par balle) 135 policiers et 200 gendarmes étaient sur le terrain cette nuit.
« Il faut absolument parvenir à une solution. Et vite ». La formule était sur toutes les lèvres jeudi à la préfecture. Après les tristes évènements de mardi et mercredi soirs, parlementaires, membres du Collectif et socioprofessionnels convenaient unanimement de l'urgence à régler la question de la hausse des bas salaires.
C'est à la mi-journée que la partie patronale a formulé une énième proposition (la cinquième depuis le début des discussions) portant de 10 à 100 euros le montant de la prime attribuée. Soit 40 euros de plus que mardi.
Une prime qui serait soutenue par un effort financier de l'Etat : 80 euros versés à titre du RSTA. Il s'échelonnerait sur une période de deux ans. Si le Collectif validait cette formule, le versement du RSA serait reporté à 2011.
Au total, ce serait donc de 90 à 180 euros qui viendraient bonifier les bas salaires. Une prime applicable aux employés dont le salaire est compris entre 1 et 1,4 SMIC mensuel.
Les collectivités aussi
Sur la question de l'engagement patronal, Patrick Lecurieux-Durival, président du Medef, précise que le montant verse sera défini dans le cadre des négociations annuelles obligatoires. Et sera fonction de la branche d'activité et de l'entreprise.
En fin d'après-midi, les membres du Collectif n'avait toujours pas donné réponse à cette proposition. Pour rappel, leur base de négociation est d'un montant de 354 euros nets.
Sans doute réservaient-ils leur réponse dans l'attente d'une proposition des collectivités, qui pourraient elles aussi contribuer à gonfler l'enveloppe. Des observateurs laisaient déjà entendre qu'un effort de 20 euros était envisageable, ce qui porterait à 200 le montant total.
Lors de la reprise des discussions, les yeux étaient tous tournés vers Alfred Marie-Jeanne, président de Région.