Bidons d'essence : une pratique de tous les dangers
La préfecture a rappelé ces derniers jours que les stations service ne livreraient plus de carburant aux détenteurs de jerrycans et de bidons.
Scènes insolites jusqu'alors mais coutumières depuis trois semaines. Dans un pays en grève générale, les stations-service sont prises d'assaut. On observe ces longues files d'automobilistes mais aussi, et c'est plus inquiétant, ces dizaines de personnes, bidons vides en mains, prêtes à attendre des heures, debout, pour quelques litres de carburant. Officiellement, parce que leur véhicule est en panne sèche...
Peut-être véridique, peut-être pas... Difficile à savoir. Toujours est-il que, malgré l'interdiction, l'approvisionnement des bidons continue à se faire ici et là. « Les gérants ne peuvent pas faire autrement. Quand quelqu'un vient, les menace avec un briquet, ils cèdent... » , constate un des grévistes de la Sara. En fin de semaine dernière, la préfecture a tenté de durcir le ton et rappelé cette interdiction. En théorie, des gendarmes ou des policiers sont désormais censés contrôler toutes les stations ouvertes.
Un gérant de plusieurs stations foyalaises assure ne plus servir les bidons depuis jeudi dernier. « A chaque fois qu'on a essayé de contenter ces clients, il y a eu des débordements, ça a été incontrôlable. C'est aussi extrêmement dangereux, le matériel n'est pas adapté, les bidons fuient... Ce n'est pas gérable! » , souligne-t-il au nom de la chambre syndicale des gérants de station-service.
Ce lundi, un de ses collègues de la station Total de la Rocade a affiché la même détermination. Mais, face à son refus catégorique de les servir, les clients munis de bidons ont vivement protesté et certains ont même tenté d'empêcher la livraison d'essence aux automobilistes véhiculés. Malgré la présence des forces de l'ordre, une minorité a ensuite jeté des pierres et des parpaings en direction de la station avant de prendre la fuite.
Appel au civisme
Pour Jean-Léandre Lugiéry, représentant du syndicat des transporteurs, il appartient « aux policiers, gendarmes et pompistes de faire respecter la loi » . Car, s'il est difficile à chiffrer, le stockage de carburant peut très vite devenir un réel danger. Certains auraient ainsi entreposé plusieurs bidons remplis chez eux. Au cas où... Avant le carnaval, des policiers avaient également eu écho que, dans certains quartiers foyalais, des jeunes s'apprêtaient à préparer des cocktails molotov...
Une nouvelle fois, Jean-Claude Ouka, de la CDMT Sara, lance un appel au civisme. « On appelle les gens à ne pas venir avec des bidons » , indique-t-il, en ajoutant « que chacun doit faire preuve de responsabilité » .
(1) CGTM-FSM, FO, CDMT de la Sara et CGTM Produits pétroliers, en accord avec le Collectif du 5 février.
- Les gérants de stations appellent au calme
Dans un communiqué publié lundi, les gérants de station-service indiquent « leur volonté manifeste de rester au service de la population » . « Les quelques rares stations approvisionnées mettent tout en oeuvre pour assurer la livraison du plus grand nombre possible d'automobilistes et ce, malgré les menaces et insultes faites à notre personnel et à nos agents de piste notamment » , ajoutent-ils. « Nous rappelons également que, compte tenu de la nature dangereuse des produits que nous distribuons, des conditions de sécurité très importantes doivent être respectées pour ne pas mettre en péril la vie de nos clients, de notre personnel et de nous-mêmes. Aujourd'hui, ces conditions sont rarement réunies d'où la nécessité de la présence des forces de l'ordre sur les stations pour éviter tous débordements. Nous affirmons notre volonté de ne point entraver le mouvement en cours, mais que la fin des tensions ne pourra être obtenue qu'avec un réapprovisionnement de l'ensemble des stations de l'île. » En conséquence, « nous faisons appel au civisme de tous pour éviter toute dérive et débordement malheureux et lançons un appel à toutes les parties intéressées dans ce conflit pour qu'elles puissent trouver des solutions dans les meilleurs délais pour notre population » .
24 camions à partir de jeudi
Le collectif syndical carburant (1) a décidé de laisser sortir quotidiennement, jusqu'au 2 mars inclus, 24 camions de la Sara par jour ouvrable. C'est-à-dire jeudi, vendredi et lundi.
Au début du mouvement de grève, le Collectif du 5 février avait souhaité n'en laisser que 12, puis 18, vu les difficultés engendrées. Le collectif syndical carburant justifie sa décision par « les difficultés de l'ensemble de professionnels de santé, des handicapés ou autres urgences à obtenir le carburant nécessaire, l'insécurité potentielle par le stockage anarchique et explosif de carburant, et l'incivisme et la voracité de certains de nos compatriotes. »
Il faut noter qu'habituellement, ce sont environ 70 camions qui sortent de la Sara quotidiennement. Ces prochains jours, le collectif syndical carburant devrait apporter « la preuve » que la quantité de carburant livré aux stations depuis le début de la mobilisation « aurait pu suffire aux besoins de la population » , si elle avait fait preuve de civisme.
Le nombre de stations approvisionnées est encore inconnu, car décidé en grande partie par la préfecture, selon les forces de gendarmerie mobilisables. « La mobilisation syndicale et populaire continue plus que jamais. Nous restons attentifs et vigilants à l'évolution des négociations. Donc, à partir du 3 mars, nous mettrons en place un nouveau service du flux de carburants » , conclut le collectif.
Image devenue habituelle devant les stations : les motocyclistes de plus en plus nombreux attendent de se faire servir encadrés par les forces de l'ordre. (F.B./F.A.)
La circulation était difficile hier matin aux abords des stations de l'aéroport. (J-M. E./France-Antilles)
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