Et pourquoi ne pas transformer la Sara en simple dépôt de carburant ? Ce sera une des options du rapport de la mission d'inspection sur la formation des prix outre-mer. Cette mission a été formée à la mi-décembre, par la volonté du gouvernement. Après de nombreuses péripéties, le rapport est en passe d'être finalisé.
Il a été présenté dans la semaine à la mission parlementaire, présidée par Patrick Ollier, qui travaille sur la même question.
D'après nos sources, indépendantes des deux missions, trois orientations sont évoquées dans ce rapport :
- La libéralisation pure et simple du système. L'activité raffinerie cesserait, il ne resterait plus qu'à importer du carburant d'Europe, ou d'ailleurs. Il n'est pas certain que cela revienne moins cher au consommateur martiniquais, ne serait-ce que parce qu'il est légalement nécessaire que le carburant soit aux normes européennes (avec notamment un taux de benzène, une substance cancérigène, moindre). Cette solution mettrait, bien sûr, en péril des centaines d'emplois sur les trois DFA, surtout en Martinique, bien sûr.
- La libéralisation de la partie distribution. Des groupes martiniquais et surtout guadeloupéens importants sont à l'affût de cette libéralisation. La profession de pompiste pourrait être directement menacée, alors que leur maintien jusqu'à présent est une décision d'ordre social. Un millier de pompistes travaille sur les deux îles. Cela coûte 10 cts par litre aux Martiniquais et 13 cts par litre aux Guadeloupéens.
- Le maintien du système actuel, c'est-à-dire des prix administrés par le préfet selon une formule déterminée à l'avance, mais assorti d'une nouvelle forme de contrôle, du type observatoire des prix, pour une transparence plus grande.
Les pressions politiques et économiques sont très importantes dans ce dossier. Hier encore, les membres de la mission d'inspection n'étaient toujours pas d'accord sur tous les points.
Les actionnaires agacés
De son côté, le secrétaire d'Etat Yves Jego multiplie les déclarations plus incendiaires que bienveillantes à l'encontre de la Sara. La dernière en date remonte à avant-hier. « Contrairement à ce qui nous a été dit, la Sara dégage des marges qui varient entre 15 et 50 millions d'euros » , assure le ministre, avant d'ajouter qu'une partie de cette somme pourrait être « réinjectée dans la formation professionnelle » . Sauf qu'à ce jour, personne (hormis la mission, il faut l'espérer) ne connaît exactement les marges nettes de la Sara. En décembre dernier, le directeur évoquait dans nos colonnes « un capital rémunéré à hauteur de 6% » , ce qui serait inférieur aux 10 ou 15% parfois avancés par les détracteurs de la Sara.
Et les actionnaires, que disent-ils ? Hier, d'après nos sources, ils étaient tous réunis sur le site de Californie : Total, Shell-Rubis, Esso, Chevron-Texaco. Déjà, en décembre, l'attitude de la direction laissait entrevoir que les actionnaires étaient relativement agacés. Depuis, la communication est d'ailleurs verrouillée, depuis Paris, siège véritable de la Sara. Hier, la seule information ayant filtré du Conseil d'administration n'est pas rassurante. Il menacerait de refuser la prochaine livraison de carburant.