Les 38 jours de grève générale que nous venons de vivre auraient entraîné une perte financière de près de 5 millions d'euros pour le CHU de Fort-de-France.
C'est en tout cas ce que déclare Frantz Ventura, directeur général du CHU de Fort-de-France, dans une interview accordée à l'agence de presse APM International spécialisée dans l'information médicale.
Jointe sur ce point, la direction générale de l'établissement apporte quelques précisions. C'est Bernard Cavignaux, directeur général adjoint du CHU, qui a répondu à nos questions.
Concernant la fourchette avancée - entre 4 et 5 millions d'euros de pertes - M. Cavignaux nuance. « C'est une estimation qui n'a pas encore été consolidée » , indique-t-il. « On est en train de recenser toutes les pertes qui peuvent s'accumuler, sachant qu'on n'y arrivera pas avant deux ou trois mois. »
Une perte financière - quel qu'en soit le montant - qui serait due pour l'essentiel à la baisse des activités. « Il y a à la fois la baisse d'activités (et donc de recettes, ndlr), relative notamment aux patients qui auraient dû être pris en charge chez nous et qui ont été transférés » , concède Bernard Cavignaux, « et le surcoût (de certains matériels et de l'approvisionnement, ndlr). Les interventions déprogrammées... Va-t-on les « récupérer » ? « On n'en sait rien pour le moment. »
545 opérations déprogrammées
Un report des interventions imputable, selon le directeur général adjoint du CHU, à « l'incertitude concernant le personnel nécessaire pour ces interventions » . Et, à cela, il faudrait ajouter la « rupture de stocks de tout ce qui est « consommables » à usage unique (champ stérile par exemple, ndlr). »
Deux unités de chirurgie ont dû être fermées (orthopédie et urologie) et quelque 545 opérations déprogrammées. « Les opérations déprogrammées sont effectivement de l'ordre de 545 » , reconnaît Bernard Cavignaux. Concernant les transferts de patients, il n'y a pas encore « de chiffre précis à donner » , mais ce qui est sûr c'est que ces transferts ont eu lieu vers le Nord de la France, en raison d'un partenariat entre le CHU de Fort-de-France et le CHU de Lille et qu'ils ont concerné des patients traités pour chirurgie cancéreuse.
Selon M. Cavignaux, « à aucun moment, les patients n'ont été en danger. On n'a jamais manqué de produits vitaux. »
- Comment gérer l'après-crise ?
Christian Ursulet, Directeur de la santé et du développement social (DSDS), précise : « Sur les 545 opérations déprogrammées au CHU de Fort-de-France, 166 sont devenues aujourd'hui extrêmement urgentes, comme pour des cancers ou des problèmes cardiaques. Nous travaillons donc en coopération avec les hôpitaux du Lamentin et de Trinité pour faire face. Nous allons aussi évaluer l'impact de la grève sur la santé de la population, qui a eu moins accès aux soins.
Dans l'immédiat, nous surveillons la multiplication d'AVC et d'oedèmes pulmonaires dont on ne connaît pas l'origine. Un protocole d'étude a été mis en place avec la Cellule interrégionale d'épidémiologie (CIRE). Nous évaluerons aussi les conséquences sur les patients suivis en psychiatrie ambulatoire et qui n'ont pu suivre leur traitement correctement » .
Christian Ursulet, directeur de la santé et du développement social (DSDS).
- Un tiers d'AVC en plus
Le Pr Didier Smadja, chef du service neurologie au CHU de Fort-de-France, a noté une augmentation significative du nombre d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) pendant la grève générale.
« Il y a eu une augmentation de 35% du nombre d'AVC sur un mois » , indique Didier Smadja. « Les AVC (ou congestions, ndlr) sont un phénomène assez constant, avec peu de variations d'un mois à l'autre. Les six mois qui précèdent février l'illustrent bien. Or, en février, on a eu 3 patients par jour, soit environ 80 AVC sur un mois, c'est-à-dire une trentaine de plus que d'habitude. » Ces AVC sont-ils directement liés à la grève ? « Plusieurs hypothèses concernent les causes » , commente le Pr Smadja. « Cela peut-être un défaut de traitement. Mais cela ne semble pas avoir été le cas : on n'a pas noté de rupture de traitement sèche ou de défaut d'observance des traitements. Quant au stress, c'est un facteur difficilement mesurable, mais on sait qu'il a été majoré pendant la grève (plus de crises d'angoisse relevées aux urgences par exemple). Il peut y avoir aussi un problème alimentaire : une alimentation différente, sur le plan du sel notamment, peut augmenter la pression artérielle, changer la viscosité du sang et donc provoquer des AVC. »
Même si le neurologue précise en être « réduit aux hypothèses » , il souligne : « L'hypothèse que l'on privilégie pour expliquer cette augmentation est l'effet du stress. C'est l'hypothèse la plus probable. Mais on n'exclut pas les problèmes d'accès au traitement (même peu probables) ou les modifications de l'alimentation qui ont pu jouer sur la viscosité du sang. »
Actuellement, une étude est en cours sur cette question. Les conclusions devraient être connues dans quelques semaines.
Le Pr Didier Smadja, chef du service neurologie au CHU de Fort-de-France.