Côté collectif, le ton était à la satisfaction. Michel Monrose a en effet tenu à remercier « tous ceux qui ont contribué à la signature de cet accord » . (Fernand Bibas/France Antilles)
S'il n'avait fallu retenir qu'une image de ce dénouement, ce serait celle de tous les occupants de la salle Félix Eboué se levant, tandis que les « hommes en rouge » entonnaient « Matinik lévé » , le tout dans un tonnerre d'applaudissements. Symbole de l'envergure de l'événement qui s'est déroulé ce samedi à la préfecture.
Le Collectif, socioprofessionnels, élus et représentants de l'Etat avaient convenu d'un rendez-vous, afin de ratifier le protocole d'accord mettant une trêve officielle au mouvement de grève générale démarré 38 jours auparavant. Une signature attendue de tous, même si Michel Monrose le président du Collectif refuse toujours de parler de terme définitif : « il s'agit d'une sortie de crise et non d'une fin de conflit » a-t-il souligné en guise de préambule. Cette précision n'a cependant pas compromis l'effervescence ambiante, puisqu'à tour de rôle préfet et élus ont salué le travail accompli par toutes les parties au cours des 37 jours de négociations.
Ainsi, Ange Mancini s'est réjoui que « le sens des responsabilités (ait) toujours prévalu chez l'ensemble des partenaires, ce qui a évité un drame et permis de gérer au mieux les conséquences du conflit pour la population » . Tandis que, le député Alfred Almont se félicitait de l'implication des élus et du « travail de médiation » mené.
Accueil chaleureux réservé aux membres du collectif. (J-M. E./France-Antilles)
Mandatés par la population
Côté collectif, le ton était également à la satisfaction. Michel Monrose a en effet tenu à remercier « tous ceux qui ont contribué à la signature de cet accord » . Avant de livrer son analyse rétrospective de ces 38 jours de grève : « Ce conflit était nécessaire même s'il a posé des problèmes économiques ou même de santé (...) parce que la population tenait à exprimer une souffrance. Les gens avaient des choses à dire » . Et de poursuivre : « Ce n'était pas un conflit syndical. C'est la population martiniquaise qui réclamait des choses. Nous étions là au nom de cette population. Nous étions mandatés par elle! » , a-t-il assené en guise d'épilogue.
Au final, qu'ils soient représentant de l'Etat, hommes politiques ou membres du Collectif, tous les intervenants se sont accordés à qualifier ces 38 jours de mobilisation « d'exceptionnels » , voire « d'historique » .
Seul silence - notable - au milieu de cette effusion finale : celui des socioprofessionnels qui n'ont pas souhaité s'exprimer quand ils en ont eu l'occasion. Sans doute avaient-ils encore en bouche le goût amer de la casse économique créé par le mouvement.
Indice de cette amertume, lors de la standing ovation qui a clôturé le tour de table, Patrick Lecurieux-Durival, le président du Medef Martinique, a été le seul à ne pas se lever. Celui-ci s'est jusitifié plus tard en arguant qu'il « ne pouvait s'associer à un mouvement qui a détruit une bonne partie des capacités économiques » de l'île ni à « une manifestation de joie » .
A tour de rôle préfet et élus ont salué le travail accompli par toutes les parties au cours des 37 jours de négociations. (Wilfrid Téreau/France-Antilles)
- REACTIONS
Ange Mancini, préfet
« C'est un accord majeur parce que c'est un accord d'avenir. C'est un accord de sortie de crise, mais il reste beaucoup à faire. J'ai invité tous les Martiniquais, que ce soit des gens du Collectif, les socioprofessionnels, les institutions, à s'inscrire dans la dynamique des Etats généraux pour l'outre-mer. Car je crois que tout le travail qu'on a fait pendant tout ce mois est un peu une préparation à ces Etats-Généraux. Il y a beaucoup à faire ensemble, mais peut-être avec un autre regard et une autre façon de parler » .
Patrick Lecurieux-Durival, MEDEF
« Je suis soulagé de voir arriver à terme ce conflit qui a duré très longtemps et qui a pénalisé de façon très violente notre économie. C'est en même temps un sentiment d'inquiétude et de prudence. Les dégâts occasionnés durant ces cinq semaines de fermeture totale risquent d'être extrêmement préjudiciables à notre économie qui traverse aussi la crise sur le plan mondial. C'est une volonté d'aller de l'avant, et malgré tout de faire en sorte que les entreprises puissent faire face à ces difficultés et aux engagements qu'elles ont pris. Je souhaite que ce soit pour nous l'occasion d'envisager des ambitions communes » .
Michel Monrose, président du Collectif (UNSA)
« Le conflit a été long, la situation a été tendue à certains moments et elle a failli à plusieurs reprises dégénérer. Avec le recul, on peut affirmer que ce conflit était nécessaire, même s'il a posé des problèmes économiques. La population est descendue en grand nombre dans les rues parce qu'elle avait une souffrance à exprimer sur la cherté de la vie, elle souffre encore davantage que la population française. Il y a des choses à changer ici... Nous étions en préfecture au nom de cette population, pas au nom du collectif. La population n'oubliera pas. Si demain en retournant dans nos organisations syndicales respectives nous faisons semblant d'oublier tout ce qui a été dit pendant ces 35 jours, la population nous le rappellera et nous obligera à reprendre le flambeau pour reprendre les négociations lorsque cela n'ira plus » .
Ghislaine Joachim-Arnaud, CGTM
« Des milliers de gens ont compris qu'ils représentaient une force et qu'ils pouvaient améliorer leur sort en étant unis et ensemble. On a vu manifester des personnes âgées, handicapées, des chômeurs, travailleurs, petits producteurs, qui ont affronté l'adversité. Et aujourd'hui on se retrouve après plus d'un mois. Mais ce n'est pas parce que lundi (ndlr : aujourd'hui), que les activités vont reprendre normalement que tout est fini. Nous n'avons pas obtenu une revalorisation des pensions, des minima sociaux, des allocations de 200 euros, comme on a obtenu pour les bas salaires » .
Eric Bellemare, Collectif (FO)
« C'est le début d'un véritable combat pour construire une société plus efficace et plus sereine. C'est une victoire pour le peuple qui a réussi à transcender ses divergences pour faire entendre sa voix et qui, pendant 35 jours, s'est retrouvé et a appris à vivre ensemble. La mobilisation prend maintenant une autre forme avec le travail en commissions. Il y aura un suivi de l'application des accords que nous avons actés » .
Pierre Marie-Joseph, AMPI
« Nous avons pu répondre à des problèmes conjoncturels, des problèmes de souffrance d'une partie de la population. Mais je reste inquiet, car il faudra poser profondément les problèmes structurels. On parle beaucoup de production agricole, production industrielle, artisanale, hôtelière. Mais comment peut-on être compétitif avec les coûts de production excessivement élevés que nous avons ? Une masse salariale globale dans nos structures, parfois cinq à dix fois supérieure aux mêmes structures en métropole ? »
Eric Picot, Collectif (CFDT)
« C'est un mouvement qui a été dur, difficile, et je reste persuadé que la majorité des objectifs du Collectif a été atteinte même s'il reste encore un travail énorme à faire, lorsqu'on regarde le planning sur les deux prochaines semaines. Quasiment tous les jours, les commissions auront à travailler. Si nous avons signé aujourd'hui un accord de suspension de conflit, il faut être honnête et reconnaître qu'un gros travail reste à effectuer » .
Mireille Jacques, Collectif (UNSA Education)
« On a pu mesurer à quel point la population attendait beaucoup de nous, notamment s'agissant des salaires, de la baisse des prix. Au moment où nous signons cette étape, il va de soi que notre travail n'est pas terminé. Economiquement, le peuple martiniquais a compris qu'il peut prendre part au développement du pays » .
Benoit Le Cesne, Groupement des hôteliers
« Je me réjouis de la signature du protocole de fin de conflit. Cependant je suis très inquiet de l'avenir du secteur touristique, eu égard aux images négatives véhiculées sur nos marchés émetteurs durant le mois écoulé. Je pense que cela aurait pu se faire aussi bien et beaucoup plus vite, sans pour autant bloquer l'ensemble de l'économie martiniquaise. »
- 236 points d'accord
C'est le résultat des négociations. Le protocole signé ce samedi à la préfecture fait en effet état de 236 points d'accord sur lesquels Etat, ténors politiques, socioprofessionnels et Collectif du 5 février se sont entendus au cours de ces 37 jours de discussions. Parmi eux 130 points font l'objet d'un accord immédiat. Les 106 autres font l'objet d'un accord à court terme, nécessitant des modifications réglementaires ou législatives.
Au rang des décisions déjà validées, on peut citer l'accord du 10 février relatif à la baisse de 20% sur une liste de 100 familles de produits de première nécessité.
En revanche 87 autres points doivent faire l'objet d'un examen complémentaire. Des réunions de travail doivent donc encore se dérouler à la préfecture. Celles-ci s'échelonnent jusqu'à la fin du mois (27 mars). Parmi les thèmes à traiter, citons le transport de marchandises, l'eau ou encore l'agriculture.
- La CGTM/FSM pas d'accord ou d'accord
La CGTM/FSM est la seule organisation syndicale à ne pas avoir paraphé le protocole. Ses représentants auraient préféré prendre le document pour l'étudier en détail avant de prendre une décision. Après l'avoir analysé donc, le bureau l'a soumis à la commission exécutive, l'instance comprenant notamment les délégués, qui a pris position hier dimanche.
Cela a pu être interprété comme une « tergiversation » , car le syndicat avait rejeté l'accord sur les salaires, se défendant d'avoir tout de même contribué à son amélioration. « Il est discrimatoire » , juge Jocelyn Lamon. Selon la centrale, il exclurait plus de 13 000 salariés et présenterait dans son contenu juridique un danger pour l'engagement des négociations de branche et d'entreprises. La CCGTM/FSM conteste le calcul des salaires concernés par l'augmentation de 200euros qui aurait été « enflés » . Elle n'hésite pas à parler de « faux salaire de base » .
- Le souhait d'Yves Jego
Le Secrétaire d'Etat chargé de l'OutreMer, Yves Jégo, s'est réjoui samedi « de la perspective d'un retour à une activité normale dans les Antilles » , après la signature du protocole de sortie de conflit en Martinique. Dans un communiqué, M. Jégo « souhaite désormais que les négociations entamées à la Réunion la semaine passée puissent aboutir le plus rapidement possible » .
Il « réaffirme le souhait du gouvernement que les états généraux qui vont débuter dans les semaines qui viennent permettent de traiter durablement toutes les questions à l'origine de ces conflits dans les départements d'Outre-Mer » .
- L'exemple pour Olivier Besancenot
Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste, juge que le collectif guadeloupéen LKP « est un exemple à suivre et à méditer » , et préconise d'en créer « partout en France » .
Dans une interview au Journal du Dimanche paru samedi, le leader politique, interrogé sur Elie Domota, leader du LKP, le qualifie de « grande figure » . « Il a fait un sans-faute. Le LKP est un exemple à suivre et à méditer » .
« Au-delà de l'histoire coloniale, tout le monde a un point commun avec eux, c'est la spoliation, la « profitation » comme ils disent » . « Il faudrait faire des collectifs contre la « profitasyon » partout en France » , selon le porte-parole.