Bonsoir,

Il est 18h52

Et une journée de faite ! une !

La reprise ? dans l’ensemble ça s’est bien passé. J’ai retrouvé tous les collègues toujours pleins de verve, bien campés dans leur conviction du « j’ai raison et toi, tort » ! je relativise comme d’habitude !

Chère vb25, je suis loin d’être assise derrière un bureau ! je suis comme la trotteuse d’une montre. Je suis toujours en mouvement. Parlons un peu de mon métier :

J’ai appris l’art de prendre soin c'est très enrichissant mais parfois très ingrat. constamment, nous sommes confrontés à la mort, à la souffrance, à la maladie, à la démence, à la détresse des familles, à leur irritabilité ou pire ……à leur absence. Nous connaissons des petites victoires mais elles ne sont qu’éphémères : ce matin, monsieur X a réussi à mettre ses chaussures tout seul ; monsieur Y était très lucide cet après-midi, un véritable conteur ; il nous a bien fait rire puis.... Monsieur Z était très violent en fin de matinée : il nous a poursuivi avec un pied à perfusion, a frappé quelques patients déambulant au passage, a mis à mal deux a-s, nous avons appelé les urgences psychiatriques….Pour Beaucoup, quand la vieillesse s’installe, la vie s’en va en même temps que la dignité ! souvent c’est un long, très long compte à rebours…pour ceux qui n’ont pas de chance. Alors s’installe un long combat avec la souffrance…. Si la première vieillesse est enviable : Jeunes Vieux Beaux fringants qui filent en croisière, qui se promènent au parc, qui sont entourés de leur famille…. La vieillesse dont je parle, c’est la seconde vieillesse comme je l’appelle, c’est celle que l’on ne souhaiterait même pas à son meilleur ennemi. Elle avilie, elle culpabilise et épuise les familles, elle use les soignants, elle emmure les médecins dans des diagnostics froids et sans retours. On ne peut qu’accompagner les patients, les familles et s’entre aider entre collègue ...quand on s’entend…. et faire des constats.

 Cette vieillesse-là, elle s’écoule un peu comme la chanson de Jacques Brel, « les vieux »:

Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières ?
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends ?

Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s'ils sortent encore bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend

Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attends
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.

Je suis aide-soignante. J’ai choisi la gériatrie.