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extrait du livre "Le Syndrome du BOCAL" :
publié le 11/09/2009 à 11:21 |
Voici un extrait poignant que j'aimerai partager avec vous
Pris au piège
- Je vous emmène, c’est l’heure. Le sourire de Véronique me semblait rassurant...
On avait déjà poussé le fauteuil de Monsieur Pigeon, vers les odeurs de bouffe. Avec lui dedans. Immobile.
- Je préfère manger ici. Je suis fatigué.
- C’est obligatoire d’aller en salle à manger, insista l’aide soignante avec un aplomb ne laissant pas la place à la contestation.
Cela faisait deux jours depuis mon arrivée que ma femme me nourrissait dans ma chambre, avant de repartir cette après-midi à Orléans.
- Ce soir votre épouse n’est pas là. Nous, nous ne pouvons pas vous servir les repas en chambre. C’est la règle.
- Mais je ne peux pas rester assis plus d’une demi-heure en fauteuil roulant.
- Ça n’a pas d’importance, on vous emmène dans votre lit.
- En salle à manger ? Et le compresseur, pour l’air pulsé ?
- Il y a des prises de courant partout. On a l’habitude. Votre matelas n’aura pas le temps de trop se dégonfler pendant le voyage.
Elle ouvrit la porte de ma chambre en grand. Débrancha mon lit.
Tout de suite je me sentis me dégonfler. Lentement. Et en avant Simone. Le long couloir vert se déroula à l’envers. Direction le réfectoire. J’ai failli me soulever sur mes fesses pour voir le paysage défiler derrière les grandes vitres.
- C’est le petit port de Lomener sur votre gauche me dit-elle. Très jolis bateaux de pêche.
Sous mes couvertures, je sentis le vent du large à travers mon embarcation.
Et mon cul se rapprocher dangereusement des barres métalliques du fond de lit : je me dégonflais, j’étais à plat, mais pas encore crevé.
Tout au bout, juste à tribord : c’était là.
La porte était ouverte. Horreur. Un nouveau monde m’accueillit.
Mon lit se gara en épi entre Maurice le tétra, et Jackie la tétra. Des cercueils roulants comme le mien, il y en avait une douzaine. Garés contre la cloison du côté gauche. Je fus le treizième. Tu vois la cène. Entre chaque lit, des prises partout. Rebranché, je repris de la hauteur. Toutes les prises de courants étaient occupées par nos compresseurs. Nous ronronnions à l’unisson. Certains avaient leurs respirateurs artificiels branchés, en plus. La plupart étaient reliés à des perfusions. Certains bavaient. D’autres souriaient.
On semblait papoter gentiment entre deux becquées, entre deux rejets de nourriture. Les aides-soignantes, au milieu de deux lits, enfournaient les cuillerées à tour de rôle, tout en discutant avec leurs collègues, de lit en lit. Moi j’en avais une pour moi tout seul : je débutais. Personne ne pouvait manger seul. Corps morts. Mains mortes. Bouches ouvertes, sur oreillers.
Des oisillons blessés dans leurs nids de plumes à air pulsé.
Mon arrivée suspendit à peine le cours des conversations. Tiens un nouveau. On me dévisagea. Certains bougèrent la tête. Ou un œil. Ou un sourcil. D’autre, une lèvre.
Bouger ce qu’ils pouvaient, en signe de bienvenue. Je ne connaissais personne de cette peuplade. C’était des humains. De quelle tribu, de quelle lignée ? Je l’ignorais.
Devant nos lits parqués en rang d’oignons, deux immenses tables carrées d’une quinzaine de convives chacune nous faisaient face.
La première : pour les chanceux, ceux qui bougeaient les mains.
En fauteuil bien sûr, mais seulement paraplégiques. Ils mangeaient tout seul, et en groupe. Ils se serraient les coudes : ils pouvaient. Ils regardaient les autres, et semblaient être contents de leur sort, munis de grandes raclettes de croupier pour se passer pain et condiments, eau et serviette. Faites vos jeux, rien ne va plus. Mais on mise quand même.
La deuxième : pour les moins vernis. Néanmoins : assis en fauteuil, eux.
Bon, ce qu’il restait de leurs mains ce n’était pas vraiment ça. Certains avaient des orthèses qui prolongeaient leurs digts malhabiles d’un matériel ergonomique. La plupart étaient aidés par une aide-soignante pour l’introduction de la nourriture. Et pour le netotoyage des dégoulinures de bouches....
...Dans la salle, une quinzaine d’aides-soignantes s’affairaient. Attentives, et disponibles. Blouses bleues et tabliers plastiques transparents pour la protection; des gants pour la finition; ça crissait hygiènique ici.
Deux ou trois infirmières, blouses blanches, crayon à la main, le nez dans leur immense chariot-classeur-pharmacie-roulant, distribuaient les pilules magiques. Il y avait tant à soulager. De douleurs concentrées au mètres carrés.
Dans cette salle à manger, les handicapés étaient une bonne quarantaine.
Oh mon dieu,… NOUS… étions une quarantaine d’handicapés !
Mon cœur se mit à battre. Mon sang se glaça.
A cet instant précis.
Dans le miroir des yeux des autres, je pris conscience de mon état. C’était un cauchemar. Au secours. Je ne suis pas handicapé. Rien n’est vrai. Je ne suis pas comme eux. Non pas moi, je suis sportif. Je ne serai jamais un handicapé, je suis juste un peu malade, c’est tout. Je suis seulement de passage, je vous en supplie, au secours, réveillez-moi. Prenez ma maison. Ma bagnole. Mon Codevi. Prenez mes livres. Mes CD de Jazz.. Mes peintures. Prenez tout. Redonnez-moi ma vie de valide. Laissez-moi m’enfuir. Prendre mes jambes à mon cou. Je vous assure, je suis valide. Je suis en bonne santé, je ne veux pas être là. En réa, je voulais bien, mais pas chez les invalides. Non pas moi.
Mais c’était trop tard.
C’était fini. J'étais dans les filets. Pris au piège.
Ce sont les autres qui venaient de m’accueillir infirme.
Cette fois mon état est grave. Si grave, désormais. Je suis absorbé par la grande famille des handicapés. Englouti. Je fais corps avec elle.
C’est officiel, j’en fais dorénavant partie. Adieu les valides. Ce n’est plus ma vie.
Je suis sur le côté des allongés. Les plus atteints. Sur le côté des prises de courant. En apesanteur sur mon matelas à air, j’ouvre la bouche. Poisson rouge.
J’ouvris une fois. Pas deux. Je ne pouvais plus avaler. Une crise d’angoisse, me déglutit la purée. Des sanglots de l’au-delà me jaillirent dans la gorge. J’étouffais.
Immobile, je me débats en pensée. On me viole, sur l’autel de mes certitudes. Mon cœur à tout rompre, me bat.
Véronique a tout vu. Tout su. Elle a posé la cuillère. Débranché mon cercueil roulant. Desserré le frein à pied. C’est dans le couloir qu’elle m’a dit qu’elle s’en doutait un peu. Qu’elle m’avait observé. Du coin de l’œil. Que c’était obligé. Que tout le monde craquait. Toujours la première fois. C’était la confrontation, le Passage, la Bascule, l’Initiation.
C’était pour cette raison que nous étions tous obligés de manger en salle commune. Admettre enfin le handicap. Se regarder bien en face. Et continuer sa route. Vivre. Depuis deux mois, je n’avais rien vu. Je ne m’étais pas vu dans une glace. En face.
J’ai demandé à Véronique de passer devant celle du cabinet de toilette.
Mes larmes ont coulé devant ce pauvre mec allongé, décharné, couleur cadavre, sans cheveux, qui me regardait dans ce miroir avec une tristesse infinie. Deux énormes cernes entouraient de petits yeux défaits.
Un hibou odieux sanglotait sur son oreiller.
Je ne me suis pas reconnu.
"Jean-Michel Berille, le responsable des télé-conseillers." |
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