On pourrait croire que l'on sait déjà tout de la terrible époque des camps de concentration. Et pourtant, on oublie parfois la terreur de ces années, le dilemme de ceux qui essayent de s'en sortir, jusqu'à même renier une partie d'eux-mêmes. Elle avait les yeux verts, c'est un peu tout ça à la fois.

Arnost Lustig est un écrivain tchèque d'origine juive, décédé en 2011. Il avait seulement 15 ans lorsqu'il fut déporté une première fois au camp juif de Terezin, puis à Auschwitz, pour finir à Buchenwald. La guerre une fois terminée, il deviendra journaliste puis écrivain et scénariste. Il a été plusieurs fois candidat au prix Nobel de littérature et a reçu en 2008 le prix Kafka.

Elle avait les yeux verts est le premier roman de cet auteur traduit en français. Le roman met en scène Hanka, une adolescente tchèque d'origine juive de 15 ans, qui est déportée à Auschwitz avec toute sa famille. Au prix de la survie, elle se fera bientôt enrôlée comme prostituée dans un bordel de l'armée allemande.

Mon avis : c'est un roman fort et poignant que nous livre Arnost Lustig. Nous vivons tout au long du roman l'angoisse et l'espoir de cette jeune fille qui se fait passer pour majeure et Aryenne pour survivre. Et quelle survie ! Finir dans un bordel pour Allemands en lieu et place d'une chambre à gaz, est-ce un meilleur sort ? C'est la question qui virevolte tout au long de ce livre via les questions, les espoirs et les souvenirs de la jeune fille. On y retrouve là une vraie interrogation sur le rapport à la religion et à la famille : la jeune fille aurait-elle mieux fait de se laisser mourir dans les camps plutôt que de se vendre à l'ennemi et ainsi jeter l'ultime humiliation sur sa religion et sa famille ? On y retrouve également le courage de ces personnes qui, loin de se considérer en victimes, ont tout fait pour survivre, au prix parfois de sacrifices plus grands qu'on ne peut imaginer.

Et puis dans ce livre il y a également l'espoir : l'espoir de s'en sortir, l'espoir de reprendre un jour une vie normale et ce, malgré le tatouage Feldhure (pute aux armées) qui orne son bas-ventre. Une vie normale malgré le regard des gens.

C'est un très beau roman que nous propose ici Arnost Lustig, malgré quelques longueurs. Une plongée vive au coeur d'une partie de notre histoire, un devoir de mémoire à ne pas négliger. On se prend alors à s'imaginer à la place d'Hanka, se demandant si nous aurions eu le même courage face à toutes ces épreuves.

Un livre à lire et un auteur à découvrir d'urgence !