N'avez-vous pas souvent l'impression de vous retrouver, dans votre rapport à la nourriture, dans la situation cartoonesque de l'ange et du diable positionnés de part et d'autre de votre tête?

Je vous pose la question parce que pour moi, il arrive que ce soit quotidien - voire multi-quotidien. Que je sois dans un magasin, à la maison, ou bien même dans un lieu dénué de toute connotation alimentaire (eh oui, quand la nourriture est une obsession!...) mon crâne devient le théâtre de discussions antagonistes et parfois houleuses entre la raison (l'Ange) et la passion (le Diable). je vous en livre un extrait :

Tu en as trop envie de ce paquet de cookies (fonctionne aussi très bien avec "ce beignet", "cette glace", "ce paquet de bonbons", "ces gâteaux apéro"...). Prends-le, t'as bien le droit de te faire plaisir non?

Tut, tut, tut... Tu sais très bien ce que ça va donner : tu vas le manger (que dis-je, le gober) et deux secondes plus tard tu t'en voudras à mort en te disant "pourquoi j'ai fait ça? Cinq minutes de plaisir pour me sentir si mal après..."

Ne pense pas à "après" pour une fois (à noter l'humour du diablotin dans l'emploi de "pour une fois", sachant très bien qu'il me dit ça tous les jours et que 9 fois sur 10 je craque). Le plaisir, c'est ça qui fait vivre! Après tout c'est toi qui vois, si tu trouves jouissif d'attendre midi pour t'avaler une salade verte avec une demi tomate et deux grains de maïs qui se battent en duel...

Ne l'écoute pas. Tu sais très bien que tu seras fière de toi et contente si tu résistes, et ce plaisir là, tu l'auras toute la journée, pas seulement les 5 minutes pendant lesquelles tu t'empiffres de chocolat (bon, j'avoue, les anges n'utilise pas ce genre de vocabulaire et utilise plus volontier le verbe "manger" mais, en l'occurence, "s'empiffrer" résume mieux la situation). Et puis pense à tout ce mal que tu te donnes quand tu fais du sport, pourquoi souffrir comme ça si c'est pour tout gâcher en 5 minutes?

Ben justement! Depuis deux semaines tu fais du sport , ce matin t'as encore couru 1h, c'est bon, tu vas rien prendre en les avalant ces gâteaux! Au pire, tu les reperdras demain sur ton vélo...

Ce n'est pas en suivant cette théorie de la relativisation que tu vas rentrer dans ta robe pour le mariage (d'une amie, je précise), tu pourras, à la limite, la suivre pendant la phase de stabilisation mais pas avant... Et puis pense à l'aspect financier : l'argent que tu ne mettras pas dans ces cochonneries (là encore le vocabulaire n'est pas de lui), tu pourra l'utiliser pour acheter des vêtements - une taille en dessous- à la fin du mois...

Bon, là, en général, j'envoie valdinguer Angel (si j'ai réussi à tenir jusque là) et je me rue sur le paquet de gâteau, la glace, le beignet, le pain beurre, la tablette de chocolat, les curly, le fromage...

En fait on croit que le problème c'est le Diable et on se dit que c'est lui qu'il faut virer et plus vite que ça!... cela revient alors à se priver (pour mieux compenser après en général). Personnellement, je pense que le problème n'est pas là car, si on ne garde que l'Ange, la vie perd quand même beaucoup de sa folie et de sa beauté vous ne croyez-pas?

Donc, on dit non à la théorie de Kant sur la condamnation des passions au nom de la raison (tout en reconnaissant que les premières constituent parfois une perversion à la seconde) et, plutôt que de chasser l'Ange ou le Diable, on essaie de faire cesser leurs disputes puériles qui ne mènent à rien sinon à la frustration et à culpabilité et on essaie de les faire cohabiter...