« Il y a une ambiguïté dans le raisonnement écolo­gique. Pour les adeptes de ce mouvement, l’homme fait partie d’un tout, la nature, dont il menace la cohésion et la survie. » Laurent Larcher, journaliste au quotidien La Croix, est l’auteur de La Face cachée de l’écologie (Le Cerf, 2004). Ce jeune historien des idées pose d’emblée la difficulté fondamentale de penser notre rapport à l’environnement. Au nom de ce postulat, les écologistes les plus radicaux – tenants d’un des courants venus des États-Unis, la deep ecology, « écologie profonde » (1)– envisagent la nécessité de la disparition de l’espèce humaine afin de préserver la Terre et les autres espèces vivantes… et ils en arrivent à des conclusions eugénistes « ­nazifiantes ».

« L’écologie est un antihumanisme », écrit Laurent Larcher. Bien entendu, nous touchons là à l’excès du raisonnement « vert ». Mais c’est bien le danger qu’y voit l’historien : « C’est la question de fond. L’homme fait-il partie d’un tout, ou a-t-il quelque chose d’exceptionnel chez lui qui le met “à part” de la nature ? La transcendance humaine existe. Ne serait-ce qu’en raison de sa capacité à se penser et à penser la nature. Ça, ni les animaux ni les cailloux ne peuvent le faire. »

Au cœur du débat : notre place d’êtres humains. Sylvie Brunel (2), ancienne présidente d’Action contre la faim, professeure de géopolitique à la Sorbonne, remet en cause les thèses écologiques. Pas l’écologie ni la nécessité de la préservation de la nature, mais le point de vue à partir duquel les mouvements écolos fondent leur doctrine et leur action. « Nous nous trouvons aujourd’hui face à des discours ­d’ordre religieux, dans lesquels la Nature avec un grand N devient une sorte d’être suprême, de force qui nous dépasse et à laquelle il convient que l’homme se soumette, au risque d’être puni. Un peu comme les Gaulois qui craignaient que le ciel ne leur tombe sur la tête, nous lisons et entendons que la révolte de Gaïa (3) sera terrible, précipitant l’homme dans sa chute. Or, s’il faut protéger la nature, c’est pour les humains. Nous opposons la nature à l’occupation humaine ? Mais il n’existe pas de nature qui ne soit façonnée par l’homme. »

Dans ces conditions, nous aboutissons à une culpabilisation et à un ostracisme des « mauvais citoyens », ceux qui ne trient pas les déchets, ne consomment pas bio et ne construisent pas de maisons bioclimatiques. « Or, ces mauvais citoyens-là sont le plus souvent issus des classes défavorisées, celles qui n’ont pas les moyens d’observer les préceptes de l’attitude “écoloresponsable” », martèle Sylvie Brunel. Les antiécologistes d’aujourd’hui seraient donc des écologistes raisonneurs, au sens de « faire appel à la raison ».

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