Pied de nez à la Faculté

Pierrot et le docteur rentrent à reculon sur la scène et finissent par se bousculer.

Docteur – Oh ! Pardon, je ne vous avez pas vu !

Pierrot – Oh ! Pardon je ne vous avez pas senti ! Comment vous appelez-vous ?

Docteur – La Panacée Universelle.

Pierrot – Soignez-vous bien ?

Docteur - Ma foi oui, je fais comme tout bon médecin, je mets un emplâtre sur une jambe de bois.

Pierrot – Mais qu'est-ce ce nouveau instrument qui remplace votre très catholique clystère, il a l'air plus honnête.

Docteur – Cela s'appelle un microscope, je sais tout, je vois tout, c'est le mouchard de l'infiniment petit.

Le docteur colle son oeil au microscope et s'en sert comme une longue vue. Il scrute le visage de Pierrot.

Docteur – Mais qu'avez-vous mon cher ? Il vous manque quelque chose au milieu du visage, je ne vois que des microbes.

Pierrot, coquet et minodant – Non, je n'ai mis que du fard.

Docteur – Je tiens à vous l'annoncer en tout confidentialité, de mes yeux vus, vous n'avez pas de nez.

Pierrot tate son appendice nasale – Je n'ai plus de nez ?

Docteur et tous – Il n'a plus de nez !

Polichinelle, masque au nez crochu, entre et vient toucher l'abscence de nez de Pierrot, il mime l'étonnement, la stupéfaction.

Pierrot – Mon nez ! Mon nez ! Mais il se voit comme un nez au milieu de la figure !

Docteur – Non mon cher, le médecin détient la vérité absolue et le médecin vous le dit en vérité, il ne voit pas de nez. La science a toujours raison.

Pierrot – Il est vrai, c'est une évidence puisque vous êtes médecin vous ne pouvez qu'être intelligent.

Docteur – Avec mon microscope , je vois même les microns, et je vous le dis en vérité, vous n'avez point de nez !

Pierrot – Et avec une lunette de Galilée, veriez-vous la lune ?

Docteur – Vous n'avez point de nez !

Tous courent partout affolés en soulevant les cousins, en cherchant dans les tentures, il crient – Au voleur ! Au voleur ! Que personne ne sorte ! Au nez ! Au nez !

Arlequin soulève la jupe de Colombine, elle lui donne une gifle en rabattant son jupon.

Colombine – L'a-t-il mis dans son mouchoir ?

Arlequin – L'a-t-il perdu chez un parfumeur ?

Angélique - C'est le grand vent qui lui a soufflé !

Le Docteur fait une petite danse - Je vous le dis, cela est vrai, Pierrot n'a point de nez ! Pierrot n'a plus de nez !

Colombine – Mais que fait Pierre Chirac, le médecin du duc d'Orléans ?

Angélique – Mais où est Chirac ?

Tous soulèvent les cousins, cherchent dans les tentures. Arlequin soulève la jupe d'Angélique, soufflet, elle rabat son jupon.

La foule applaudit, et du parterre quelques spectateurs parmi les rires et les sifflets crient :

• Il est là !

• Il est par ici !

• Je le tiens !

• C'est lui !

Un grand charivari croisent dans le parterre et des loges.

Angélique – Mais qui lui a fauché ?

Colombine – Mais qui a commis ce larcin ?

Quelqu'un crit dans la foule – Chirac !

Docteur – Il faut le purger ! Il faut le saigner !

Le rire fut général.

Pierrot - Mais c'est un forcené, il est déchaîné !

Pierrot avec force manière se met à priser, et tout à coup éternue.

Arlequin – Pierrot l'aurait-il retrouvé ? C'est un nouveau nez qui pointe le bout de son nez.

Le docteur tape sur la tête de Pierrot avec son gros microscope – Je vous le dis, cela ne peut être que vrai, c'est un mort nez !

Tous dansent un menuet autour du docteur.

Docteur – La médecine le déclare : Il n'a plus de nez ! Il n'a plus de nez !

Pierrot lui donne un coup de pied – C'est un pied de nez à la Faculté !

Lazzis, galipettes, pirouettes et cavalcades. Après quelques révérences du patritien chacun regagnent les coulisses en dansant.