La mort

Mon ennemi est peut-être mon voisin car c'est aussi mon intime ennemi. Je ne connais son visage, je ne sais le son de sa voix, j'écoute son pas derrière la cloison, il semble danser un sabbat derrière sa porte le soir à minuit. Je l'entends dans mes rêves pencher sur moi, murmurant d'une voix sifflante : « Ma mie ! Ma mie ! Je boie ton sang ! ». La nuit est courte et je me réveille exsangue, lasse, pâle, titubante. Dès que la nuit tombe sur la ville endolorie, je tressaille, je blèmie à me vider de mon sang mais je sais que mon intime le boira. Chaque jour je vis que pour mourir la nuit. Je frappe contre la paroi de ma chambre mais malgré moi mes paupières se ferment et dans la crainte de mourir à la nuit, je sommeille doucement, j'entends des pas sur le planchet, je sens des dents dans mon cou, j'ouvre les yeux, la lune est pleine, un souffle vient de s'enfuir dans le couloir, mon oreiller est humide de sueur, je cherche une bougie pour m'éclairer mais un vent glacial l'éteint. « Ma mie ! Ma mie ! Je bois ton sang ! ». Désormais, j'erre livide et la peau de plus en plus translucide. Je m'avance chaque nuit dans la mort, la mort, mon ennemi intime qui vient toutes les nuits à pas de loup me vampiriser et je me languis chaque jour d'avantage.

Le médecin est à mes côté, il m'affirme que ces bleus sous ma peau est une maladie du sang, mais je lui cris : « Non ! Non ! Il vient toutes les nuits boire mon sang ! ». Il me répond cynique : « Je vous prescris un calmant en plus. »

Mais je le sais, cette nuit est la dernière. Une ombre noire a surgi dans le couloir, un rire sardonique déchire l'espace, il vient me ravir dans mes draps blancs. Mon ennemi est là, dressé devant moi, il me prend la main, j'ai les yeux grands ouverts, une dernière écume de salive perle à mes lèvres, et son baiser asséche mon souffle. Je croisse dans son regard ses yeux de serpent qui dardent du feu. Je suis glacée, mes mains crispées sur la couverture se relâchent dans un dernier sursaut et tombent dans le vide. « Du sang ! Du sang à jamais ! »

A présent je suis bien morte, mais je sais qu'il continuera sa quête altérée.