Comme tous les enfants je lisais au premier degré les péripéties de Bécassine, riant de ses bévues ne me sentant  visée en aucun cas. Pour moi elle n’était pas niaise mais naïve et étourdie.

            Pour les bretons le fait que des parisiens aient dessiné Bécassine sans bouche, parce qu’elle ne s’exprimait pas bien en français, sans seins parce que habillée avec ses vêtements bretons elle n’était pas féminine, était une insulte que leur envoyait la bourgeoisie parisienne. 

            Dan ar Braz chanteur et guitariste, après avoir fait l’Eurovision en chantant en breton, a créé une chanson : « Bécassine ce n’est pas ma cousine » dans laquelle il blâme la condescendance de la bourgeoisie parisienne vis à vis du peuple breton à travers cette petite bretonne venue à Paris pour travailler. Cette condescendance j’en ai fait les frais :

            C’était en 1964, ma future belle-mère avait organisé un repas pour présenter à ses amis la fiancée de son fils.

            J’ai littéralement été bombardée de questions plus ou moins délicates. Un des amis, garçon de café de son état qui ne prenait que le métro me demanda tout de go si j’avais une voiture ? Bien sûr que j’en avais une, une R8 Major toute neuve. Pas satisfait il me demanda de voir mon permis de conduire. Mais quel toupet !

            La plus belle réflexion a été celle de ma future belle-sœur : « A Paris les bretonnes sont des bonniches ou se prostituent,. en ajoutant je ne voudrais pas que la future femme de mon frère soit intéressée par l’argent de mes parents.

           Le garçon de café commente : « En Bretagne, les bretons habitent dans des cabanes, ils sont tous pêcheurs »,

            Oui, j’habitais chez mes parents dans une jolie maison avec jardin arboré et qui descendait jusqu’à la plage. Non, pas de toit de chaume, ni de sol en terre battue ! Oui, je travaillais et occupais malgré mon jeune âge un poste à responsabilité et gagnais bien ma vie.

            J’étais au bord de l’explosion, blessée au plus profond de moi-même. Comme il me tardait de réintégrer ma Bretagne loin de ses petits parisiens ignares et prétentieux. Je n’oublierai jamais !

            Néanmoins j’assume « ma Bécassine » elle fait partie de notre patrimoine, au même titre que la révolte des Bonnets Rouges au temps du Roi Soleil.

            Cet article je l’ai écris pour ma payse, ma Poppo. Que m’aurait-t’elle répondu en MP ? Je sais que de là-haut elle doit rire !