Tout comme j’appelais ma grand-mère « grand-mère », j’aurais  aimé que mes petits m’appellent de même au lieu de « Mamie », mais leurs parents en on décidé autrement allant jusqu’à menacer que cela pourrait être Mémère, ou Mémé, Alors !

                 Je passais avec ma grande soeur et mon frère nos vacances d'été chez notre Grand-mère en Bretagne. C'était toute une expédition ... le voyage en train à vapeur avec ses banquettes en bois durait toute une journée !

                 Ma grand-mère était toujours vêtue de noir. Veuve très jeune, et maman de quatre enfants elle a dû assumer sa vie en dirigeant d’une main de maître son domaine. C’était un personnage et tout le monde la respectait, famille et voisins. Sa devise : Je plie mais ne romps point, tout comme dans le chêne et le roseau.

                 J’aimais le moment où elle se coiffait, ses cheveux étaient d’un blanc éclatant et si longs qu’ils lui battaient les chevilles … C’était toujours avec étonnement que je voyais disparaître, en quelques gestes, cette masse de cheveux  qui devenait  un tout petit chignon et qui se terminait sur sa nuque. J’aimais ce moment où j’avais l’impression que ma grand-mère m’appartenait.

                Il n’y avait pas place à la tendresse dans l’emploi du temps de Grand-mère, et pourtant comme j’aurais aimé qu’elle nous raconta à mes cousines et à moi des histoires, au lieu d’entendre cet impératif : « Da Gousket » Allez au lit ! Nous filions doux … Avec une de mes deux cousines je partageais un lit  que nous devions escalader. Une fois là-haut, que de fous rires étouffés sous les énormes édredons rouges qui étaient recouverts d’une housse de dentelle blanche les dimanche et jours de fête.

                Une fois par semaine Grand-mère recevait les amis et les voisins, c’était la veillée et nous, les enfants,  avions le droit d’y assister. Je me régalais de ces soirs-là, ils étaient joyeux. L’autre évènement était la messe du dimanche matin où nous nous  rendions en char à banc. A l’église un banc nous était réservé, sur la droite, le côté des femmes.

              J’admirais ma Grand-mère plus particulièrement ce jour-là, elle était très élégante, belle, et grande.  Même si sa peau était très ridée on ne voyait que ses beaux yeux bleus dont a hérité ma Maman et l’aînée de mes filles.

              A la sortie de la messe, Grand-mère allait toujours acheter un Paris-Brest pour le dessert du midi ainsi que des craquelins pour le goûter, ils remplaçaient ces gigantesques tartines de pain au beurre salé  jaune éclatant accompagnées d’un carré de chocolat. Nous mordions à belles dents dedans à nos retours de ballades à travers champs, ou en bord de mer. Que de kilomètres nous avalions à pied ou avec les vieilles bicyclettes empruntées ! Que de souvenirs simples dans un temps où il n’y avait pas la télévision, ou d’Ordis à notre disposition !

                Voilà les souvenirs qui me restent de ma Grand-mère, ils sont  bien ancrés dans ma mémoire, aussi je me demande souvent :

« quelle grand-mère suis-je pour mes petits,

moi qui brille tant par mon absence géographique ? »