Nous sommes le matin, un Opéra, architecture baroque, or et moulures se distinguent sur tous les murs, les drapés rouges dégoulinent du plafond au sol nous donnant l'impression d'être dans un cocon.

      A l'entrée une jeune femme prend un thé les yeux perdus dans le vie. Elle semble cependant attendre quelqu'un car dès que je franchis la porte, elle lève la tête avec envie mais se décourage en me voyant faire irruption dans ce hall. Cet endroit est presque le sien car elle s'y tient seule. A cette heure-ci, personne ne fréquente l'Opéra. Elle est belle, rousse, grande, elle porte un foulard vert qui entoure son cou. Je l'imagine de suite chanteuse baroque. Son port de tête est majestueux ce qui donne à contempler d'autant plus la cascade de feu qui parcoure sa nuque. Sur ces lèvres un rouge à lèvres rouge-passion, ses yeux noir charbon. Elle est là telle une actrice en plein décor de cinéma. Alors je me prends à imaginer son histoire. 

Chanteuse baroque, elle attend peut être son amant...? Mais lequel? Vu sa beauté, elle a sûrement plusieurs. Peut être même un par jour? 

Elle a enlevé son long manteau noire et l'a déposé sur le fauteuil de velour rouge à côté d'elle. Dans cette scène, on sent la présence de la personne absente. On le distingue ce dandy, les yeux et les cheveux noirs, un charme fou qu'on les hommes de 30 ans mystérieux. Je les observe déjà repartir tels des danseurs sur glace...glissant , flottant ...je vois leur embrassade interminable au moment des retrouvailles. J'ai même la musique de fond qui retentie dans ma tête de rêveuse. 

Elle apporte sa tasse de thé à la bouche et...soudain son téléphone sonne. Elle s'empresse de le chercher dans les poches de son manteau. Elle est tellement fébrile qu'elle a oublié qu'elle l'avait délicatement posé sur la table à côté de sa tasse mais maintenant il est caché par la théière. Elle le voit. Le saisit. Prend le temps d'une respiration et prononce un "allo" la voix roque et quelque peu encore haletante. Sur son visage apparait le sourire d'une enfant, un rayon de soleil traverse la pièce à ce moment précis et baigne son visage d'une chaleur exquise. Ses cheveux s'embrasent. A peine a-t-elle raccroché qu'elle enfile son long manteau noir et dépose de la monnaie sur la table.

Avant que le serveur n'aille la ramasser, je m'approche, je peux encore sentir, l'attente, l'excitation et le réconfort qu'elle a ressenti dans ce fauteuil. Je m'y installe, et c'est alors que je sens quelque chose dans mon dos. Je me retourne et je trouve un manchon de fourrure. Elle l'a abandonné là...c'est évident, il est là pour moi. Je le prends et je glisse mes mains dedans...je ne sais pas pourquoi mais j'espère trouver un billet doux dedans, au même moment la porte s'ouvre mon coeur s'emballe...c'est elle? c'est lui qui vient chercher le billet doux dans le manchon? La peur me laisse tétanisée sur le fauteuil. Le rayon de soleil qui la réchauffait m'aveugle à présent. Je distingue une silhouette, non ce n'est pas elle. La silhouette se déplace sans aucune élégance...elle est gigantesque. Maintenant qu'elle s'approche de moi je peux voir que c'est un homme. Il porte un sweat à capuche, un appareil autour du cou et un vieux jean levis (coupe basique sans tenue). Il se tient face à moi. Il enlève ses écouteurs et me demande si une jeune femme ne se tenait pas là avant. Je lui réponds que c'était bien le cas et c'est à ce moment là que mes mains toujours emmitoufflées dans le manchon je trouve un objet...je la sors et lui tend...je m'aperçois en même temps que lui que c'est une clé. Il sourit, rougit quelque peu et me remercie. Il semble tellement pressé lui aussi qu'il part avant que je n'ai retrouvé mes esprits et que je lui tende le manchon en fourrure. 

Maintenant cet objet est à moi. J'ai les mains bien au chaud. Cet accessoire est tellement personnel, il raconte tellement de chose...il a une histoire...mon histoire, leur histoire...

Il est là sur mon ventre les deux mains dans son corps. Il me tient chaud et protège mes mains de ce froid glacial. Il apporte une certaine élégance et tenu lorsque je le porte. Ce n'est rien juste un accessoire, mais telle la chapka, il fait de moi une fille de Russie.