19 avril 1840 à Sallanches comme ailleurs les cloches ont sonnées pour célébrer la résurrection du Christ. Ce dimanche de Pâques est symbole de joie. Dans les cuisines ont fait honneur au cabri rôti et chez les moins fortuné on partage le farcement avec les bons beignets aux pommes. Cette année toutefois il a manqué à cette journée une petite chose qui lui aurait donné un véritable air de fête. La nature fait grise mine tout est sec très sec. Il n’a pas plu et pas de neige depuis des mois.
La petite ville a grandit dans un désordre indescriptible entre les torrents de la Frasse et de la Sallanches. Moulin, fabrique de drap et de coton avoisinent les granges,les étables et les fermes parmi lesquelles rues étroites et ruelles nauséabondes tentent de se frayer un chemin. Les incendies passés, les débordements ravageurs des torrents n’ont pas servi de leçon. Après chaque sinistre, on rebâti avec le même manque de méthode et de discipline.
Sallanches est une ville qui tient son rang dans cette Savoie du XIX siècle. Sa réputation a largement franchi les frontières. Ses foires, ses marchés, les produits de sa petite industrie sont estimés. Seul petit bouleversement : depuis deux décennies, à la bonne saison, on croise les gens du monde. Ils s’en viennent visiter les glacières de Chamouni découvrir la huitième merveille du monde et chaque été ils font de Sallanches leur étape favorite.
Le dimanche de Pâques touche à sa fin. Les meuglements de quelques vaches espérant leur ration du soir se mêle au dernier tintement des cloches de la collégiale Saint Jacques appelant retardataires à la cérémonie des vêpres. Quand soudain, d’un hangar situé à deux pas du pont Lombards, s’élève le cri tant redouté :
Au feu ! Au feu !
Déjà on entrevoit des petites flammèches partant à l’assaut des parois disjointes de la remise
A l’aide ! A l’aide ! Une poignée d’habitants a rapidement organisé une chaîne pour aller puiser l’eau de la Sallanches qui coule à deux pas. Il faut tenter d’étouffer au plus vite ce début d’incendie. Deux jeunes intrépides, à quelques pas des flammes, taillent à la hache dans la bâtisse pour priver le feu d’un matériel qui lui donnerait encore plus d’appétit. Un escadron de gamin se met a sillonner le bourg en propageant la sinistre nouvelle et jusqu’à la porte de l’église on hurle : Au feu ! Au feu….le vent, la sècheresse, les bâtisses de bois, les toits de tavaillon, tout est là pour alimenter ce feu plus que cinq maisons sur la rive droite. La bise souffle la panique a gagner la ville entière on aide les pensionnaires du vieil hôpital a fuir.
En trois heures la ville est entièrement consumée ....
Au matin du lundi de Pâques, seuls quelques pants de murs calcinés rappellent qu’ici s’élevait une des bourgades les plus industrieuses du Faucigny. La superbe église baroque n’a pas échappé au sinistre. Trois cent vingt maisons détruites, plus de soixante victimes.
Toute la province est saisie d’effroi devant l’ampleur du sinistre. La nouvelle ne tarde pas à être connue à Turin, capitale du royaume, et on dit même que le roi Charles Albert en a éprouvé une vive émotion.
Cette fois, on ne rebâtira pas la cité d’une façon anarchique comme on avait coutume de le faire au lendemain des graves incendies ayant ponctué l’histoire de la cité.
bonne nuit
Que j'aime ces histoires de lieux, de temps, de terroir...
merci Eydie et bises salées de Bretagne au grand vent optimiste!