SAINT VALENTIN
(D'après un article paru en 1876)
La vertu de saint Valentin, prêtre, était si éclatante,
et sa réputation si grande dans la ville de Rome, qu'elle vint à la
connaissance de l'empereur Claude II, qui le fit arrêter, et, après
l'avoir tenu deux jours en prison, chargé de fers, le fit amener devant son« Pourquoi, Valentin, ne veux-tu pas jouir de notre amitié, et
pourquoi veux-tu être ami de nos ennemis ? » Mais Valentin
répondit généreusement : « Seigneur, si vous saviez
le don de Dieu, vous seriez heureux et votre empire aussi ; vous
rejetteriez le culte que vous rendez aux esprits immondes et à leurs idoles que
vous adorez, et vous sauriez qu'il n'y a qu'un Dieu, qui a créé le ciel et la
terre, et que Jésus-Christ est son Fils unique ». tribunal pour
l'interroger. D'abord il lui dit, d'un ton de voix assez obligeant : Un des juges, prenant la parole, demanda au Martyr ce qu'il
pensait des dieux Jupiter et Mercure. « Qu'ils ont été des
misérables » répliqua Valentin, « et qu'ils
ont passé toute leur vie dans les voluptés et les plaisirs du corps ».
Là-dessus, celui qui l'avait interrogé s'écria que Valentin avait blasphémé
contre les dieux et contre les gouverneurs de la république. Cependant
le Saint entretenait l'empereur, qui l'écoutait volontiers et qui semblait
avoir envie de se faire instruire de la vraie religion ; et il l'exhortait
à faire pénitence pour le sang des chrétiens qu'il avait répandu, lui disant de
croire en Jésus-Christ et de se faire baptiser, parce que ce serait pour lui un
moyen de se sauver, d'accroître son empire et d'obtenir de grandes victoires
contre ses ennemis.L'empereur, commençant déjà à se
laisser persuader, dit à ceux qui l'entouraient : « Ecoutez
la sainte doctrine que cet homme nous apprend ». Mais le préfet de
la ville, nommé Calpurnius, s'écria aussitôt : « Voyez-vous
comment il séduit notre prince ! Quitterons-nous la religion que nos pères
nous ont enseignée ? »

Claude, craignant que ces paroles n'excitassent quelque
trouble ou quelque sédition dans la ville, abandonna le Martyr au préfet, qui
le mit à l'heure même entre les mains du juge Astérius, pour être examiné et
châtié comme un sacrilège. Celui-ci fit d'abord conduire le prisonnier en sa maison.
Lorsque Valentin y entra, il éleva son cœur au ciel, et pria Dieu qu'il lui
plût d'éclairer ceux qui marchaient dans les ténèbres de la gentilité, en leur
faisant connaître Jésus-Christ la vraie lumière du monde.

Astérius, qui entendait tout cela, dit à
Valentin : « J'admire beaucoup ta prudence ;
mais comment peux-tu dire que Jésus-Christ est la vraie lumière ? »
- « Il n'est pas seulement », dit Valentin, « la vraie lumière, mais l'unique lumière qui éclaire tout homme
venant en ce monde »
- « Si cela est ainsi, dit Astérius, j'en ferai bientôt
l'épreuve : j'ai ici une petite fille adoptive qui est aveugle depuis deux
ans ; si tu peux la guérir et lui rendre la vue, je croirai que
Jésus-Christ est la lumière et qu'il est Dieu, et je ferai tout ce que tu
voudras ». La jeune fille fut donc amenée au Martyr, qui, lui
mettant la main sur les yeux, fit cette prière : « Seigneur
Jésus-Christ, qui êtes la vraie lumière, éclairez votre servante ».

A ces paroles, elle reçut aussitôt la vue, et Astérius
et sa femme, se jetant aux pieds de leur bienfaiteur, le supplièrent,
puisqu'ils avaient obtenu par sa faveur la connaissance de Jésus-Christ, de
leur dire ce qu'ils devaient faire pour se sauver. Le Saint leur commanda de
briser toutes les idoles qu'ils avaient, de jeûner trois jours, de pardonner à
tous ceux qui les avaient offensés, et enfin de se faire baptiser, leur
assurant que, par ce moyen, ils seraient sauvés. Astérius fit tout ce qui lui
avait été commandé, délivra les chrétiens qu'il tenait prisonniers, et fut
baptisé avec toute sa famille, qui était composée de quarante-six personnes.

L'empereur, averti de ce changement, craignit quelque
sédition dans Rome, et, par raison d'Etat, il fit prendre Astérius et tous ceux
qui avaient été baptisés, puis les fit mettre à mort par diverses sortes de
tourments. Pour Valentin, le père et le maître de ces bienheureux enfants et
disciples, après avoir été longtemps en une étroite prison, il fut battu et
brisé avec des bâtons noueux ; enfin, l'an 268, le 14 février, il fut
décapité sur la voie
Flaminienne, où, depuis, le pape Jean I er fit bâtir une église sous son
invocation près du Ponte-Mole. Cette église ayant été ruinée, le pape Théodose
en dédia une nouvelle, dont il ne reste plus de traces non plus. La porte
appelée plus tard du Peuple portait anciennement le nom du saint Martyr.
On garde la plus grande partie de ses reliques dans l'église de Sainte-Praxède.
Les autres furent apportées en France, en l'église Saint-Pierre de
Melun-sur-Seine, mais elles ne s'y trouvent plus aujourd'hui.

Saint Valentin est nommé, avec la qualité d'illustre
Martyr, dans le Sacramentaire de saint Grégoire, dans le Missel romain de
Tommasi, dans les divers martyrologes et calendriers : les Anglais l'ont
conservé dans le leur.
Saint Valentin a été représenté : 1° tenant
une épée et une palme, symboles de son martyre ; 2° guérissant
la fille du juge Astérius. Cette circonstance de la guérison d'une jeune fille,
et plus encore son nom de Valentin, qui signifie santé et vigueur,
explique pourquoi les fiancés, les jeunes gens à marier, ceux qui craignent les
atteintes de la peste, les personnes, enfin, qui sont sujettes à l'épilepsie et
aux évanouissements se sont placés sous son patronage.

Plusieurs siècles après sa mort, Valentin fut canonisé
en l'honneur de son sacrifice pour l'amour. La fête de la Saint-Valentin fut
instituée pour contrer la Lupercalia, fête païenne donné le jour de la
fertilité et dédiée à Lupercus, dieu des troupeaux et des bergers, et Junon,
protectrice des femmes et du mariage romain. L'événement le plus marquant de
ces réjouissances était la course des Luperques : des hommes mi- nus
poursuivaient des femmes et les frappaient avec des lanières de peau de bouc,
les coups reçus assurant fécondité et grossesse heureuse à celles-ci.

Une autre
origine est attribuée aux festivités de la Saint-Valentin. On
prétendait en effet que, sous certains climats, les oiseaux s'appariaient pour
la belle saison prochaine, à la Saint-Valentin, comme il est reçu qu'en
d'autres pays plus froids ils s'apparient à la Saint-Joseph. Prenant
exemple sur eux, les hommes auraient trouvé ce jour propice à la déclaration
amoureuse. Dans les anciens calendriers, à une époque où les devoirs de la vie
civile se confondaient avec ceux de la vie religieuse, chaque jour y était
marqué par un signe qui parlait immédiatement aux yeux des initiés. C'est ainsi
que la Saint-Valentin était marquée par un soleil dans la main du saint, ou par
un gaufrier : un soleil, parce qu'il était censé reprendre sa force à
cette époque, qui est à peu près celle des Quatre-temps du printemps, et que
les fleurs les plus précoces (amandiers, noisetiers, etc.) commencent à se
montrer dans une partie de l'Europe ; un gaufrier, pour annoncer les
réjouissances de Carnaval. 