Valoriser les bonnes habitudes alimentaires adoptées par une partie de la population serait plus efficace que les injonctions des messages de santé publique traditionnels, selon une étude anglaise.
Malgré des messages de santé publique enjoignant toujours plus à privilégier une alimentation saine, l'obésité reste en progression en France. L'enquête ObEpi, qui observe son évolution dans l'Hexagone, estime que le nombre de personnes obèses a augmenté de 76% depuis 1997. Face à un constat similaire au Royaume-Uni, Eric Robinson, chercheur en psychologie à l'université de Liverpool, s'est penché sur l'impact de l'entourage dans les choix alimentaires. Ses travaux, publiés fin décembre sur le site du Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, montrent que nous accordons beaucoup de crédit à ce que font nos proches.
Pour parvenir à cette conclusion, Eric Robinson et son équipe ont analysé les résultats de quinze expériences menées entre 2001 et 2014. Dans ces études, les chercheurs proposaient aux volontaires un ou plusieurs aliments après les avoir informés, ou non, du choix qu'auraient fait les autres participants. Ils mesuraient ensuite les quantités ou la qualité de ce qui avait été mangé. Dans une de ces études, publiée en 2010, le nombre de personnes optant pour une collation pauvre en calories augmentait de 28% lorsqu'elles croyaient que la majorité d'entre elles l'avait aussi choisie. Au cours d'une autre expérience, publiée début décembre, des étudiantes choisissaient et mangeaient davantage de fruits et de légumes pendant le déjeuner si une brochure leur indiquait que de nombreux jeunes en consommaient. En revanche, si on leur présentait un simple message de santé publique du type «Manger des produits frais est bon pour l'organisme», ils n'en tenaient pas compte.
Montrer la majorité sous un jour plus positif
Pour le professeur Lecerf, nutritionniste à l'institut Pasteur de Lille, il est certain que «le comportement alimentaire est soumis à l'influence des pairs et des représentations». Ainsi, «le succès du régime méditerranéen peut être lié à l'idée selon laquelle les gens du sud seraient plus heureux, ce qui les rend enviables, et leur alimentation attractive», explique-t-il au Figaro. Si les expériences analysées dans cette étude ne portent pratiquement que sur de jeunes étudiantes, il est néanmoins probable que ces résultats puissent s'appliquer à une plus grande partie de la population, estime le nutritionniste.
Aujourd'hui, les discours institutionnels ont tendance à critiquer négativement les comportements alimentaires et tentent d'imposer des normes, mais ils ne sont pas vraiment efficaces. Eric Robinson propose donc de reconsidérer ces stratégies de communication et suggère, par exemple, de lutter contre l'idée que la plupart des gens mangent mal et de présenter au contraire une alimentation saine comme une norme adoptée par la majorité.
Un point de vue partagé par le professeur Lecerf, qui déplore «les lamentations sur l'alimentation des Français, alors qu'une bonne partie de la population ne se nourrit pas si mal. Stigmatiser les personnes ayant de mauvais réflexes alimentaires est contreproductif». Ces méthodes peuvent mener à «des angoisses alimentaires ou à un rejet défaitiste des normes imposées», souligne-t-il. Le fameux «À quoi ça sert puisque c'est perdu d'avance» . Le problème de l'obésité est symptomatique de cette nécessité de «sortir de cette ornière des injonctions», conclut le nutritionniste.
Légende photo : Un fruit ou un gâteau? Le choix peut simplement tenir à ce qu'ont l'habitude de choisir les personnes auxquelles on s'identifie. Crédit photo: Flickr/Brian Legate
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