« Je ne peux malheureusement acheter que ce qui est à vendre, sinon il y a longtemps que je me serais payé un peu de bonheur. »  John-Paul Getty

Pas à vendre le bonheur ? On ne croirait pas cela en parcourant les rues marchandes de nos villes, nos centres commerciaux rutilants, les allées de nos supermarchés encombrées de tout ce qui est supposé améliorer notre bien-être, surtout en cette période de fête.

Voilà longtemps que la société de consommation a compris que la meilleure des marchandises était une « tranche de bonheur ». C'est ce qu'elle s'acharne à nous vendre sous emballage plastique : du bonheur en tranche, en tube, en sauce, au rayon alimentation, électro-ménager, habillement, TV-vidéo... du bonheur partout ! Du bonheur pour tous !

Du bonheur, de la douceur, du « tape-à-l'oeil », de quoi se faire passer pour se qu'on n'est pas. Avez-vous remarqué le nombre de gens qui achètent non pas la voiture qui leur correspond mais celle à laquelle ils voudraient correspondre ? Comme si la voiture améliorait l'image qu'ils ont d'eux-même et les rendait plus heureux.

Insidieusement, de simple argument commercial le bonheur est en train de devenir un des critères principaux d'analyse des sociétés modernes. Depuis que le roi du Bouthan a tenté d'imposer la notion de « bonheur national brut », le bonheur est passé de la dimension individuelle à la dimension nationale, voire planétaire. Savez-vous qu'il existe, en France, deux observatoires du bonheur ? Si si ! Je vous jure !

Parce que le bonheur, qui était jusqu'à maintenant un droit individuel informel est en train de devenir un devoir national : toute nation doit garantir l'accès au bonheur à chacun. Il faut dire aussi que c'est la seule grande idée qu'ils ont encore à nous proposer, toutes les grandes idéologies, qu'elles soient religieuses ou politiques, n'ayant plus cours sous nos climats.

Tout le monde est donc tenu d'être heureux. Il en va de la grandeur de la nation ! Le « vague-à-l'âme » romantique est passé de mode, il est malvenu de trimballer son mal-être au boulot, dépressifs, s'abstenir ! Dorénavant, chacun se doit d'afficher le sourire conquérant de celui à qui tout réussit !

Le bonheur est un travail quotidien : tous les jours, il faut se persuader d'être heureux. Cela commence dès la sonnerie du réveil. On pourra réciter une phrase positive genre « Je ne suis jamais pressé car j'ai toute la vie devant moi. ». On continuera dans la salle de bain en lisant le post-it collé sur le miroir : « Je me fais toujours confiance. »  tout en se brossant les dents. En prenant son café, on s'imprégnera de : « J'adore les enfants et les enfants m'adorent. », ce qui aidera le petit dernier à retrouver ses affaires de piscine. Plus tard, dans les embouteillages et les transports en commun, on pourra reprendre la phrase du réveil ou en choisir une autre comme : « Je m'aime dans toutes les expériences que je traverse et tout va bien. ». Tout en travaillant, il sera bon de méditer sur « Je ne suis pas obligé de travailler dur pour mériter un bon salaire. » (phrase pour les fonctionnaires. ) ou : « Je suis ici pour remplir une mission. » ou encore : « Mon travail favorise la manifestation de mon potentiel le plus élevé. » (celle-là, je l'adore ! mdr)

Bref ! A tout moment de la journée, il est essentiel de chasser tout mouvement d'humeur, toute pensée « négative » qui nuirait à la sensation de bonheur. (Toutes les phrases citées, attribuées à Louise Hay, proviennent du site : http://mapage.noos.fr/plegarrec/pensee-positive.html .)

Caricature, bien sûr ! Mais la réalité est-elle tellement différente ?

Le bonheur serait-il le nouvel « opium du peuple » ?