Puisqu'on ne vivra jamais tous les deux
Puisqu'on est fou, puisqu'on est seuls
Puisqu'ils sont si nombreux
Même la morale parle pour eux
Pendant un an et demi, chaque fois que j'entendais la chanson de Francis CABREL "A L'ENCRE DE TES YEUX", je me mettais à pleurer dès les premières paroles, tellement cela me semblait résumer notre situation à mon Loulou et moi.
Nous nous sommes rencontrés sur un site de rencontre. J'étais divorcée depuis 6 ans et je passais beaucoup de temps sur ce site où je m'étais fait quelques amis. J'ai encore quelques contacts téléphoniques avec certains, qui depuis se sont mariés et ont fondé une famille. Ce sont mes amis de galère, de solitude. Un soir, mon Loulou m'a contactée et je l'ai repoussé en argant notre différence d'âge. Je pensais qu'il allait s'ennuyer avec moi. Il a avancé que l'âge n'avait rien à voir avec l'amitié. Nous nous sommes écrit pendant des mois, amicalement. J'avais bien besoin de son soutien : c'était l'époque où ma fille faisait plein de bêtises et a fait 4 tentatives de suicide. Il avait une oreille attentive, s'est montré très intéressant pour bavarder sur tous les sujets, me parlait de sa famille, de ses problèmes. Quand je rentrais du travail, je me préparais vite fait le repas et je mangeais devant mon ordi. J'avais hâte de le retrouver. Quand il m'a avoué qu'il m'aimait, je lui ai ri au nez. Ce n'était pas possible, il était trop jeune, on ne s'était jamais rencontré ... Alors, il s'est fait plus rare. Je l'avais vexé. Il a commencé à me manquer grave. Je me posais des questions. Etait-ce possible que ce sentiment que je refoulais et auquel je ne voulais pas prêter attention soit de l'amour. Quelle ineptie ! Pour un garçon que je ne connaissais que virtuellement ! Quand je m'en suis rendue compte, je me suis traitée de folle. J'ai lutté mais il a fallu me rendre à l'évidence. Je ne voulais pas le perdre.
Nous avons décidé de nous rencontrer, mais je n'ai pas voulu me rendre en ALGERIE. Je savais ce que ça aurait impliqué de rencontrer sa famille et je voulais me sentir libre de ma décision. Après tout, peut-être allions-nous être déçus dans la réalité. Nous sommes allés en vacances 15 jous, en TUNISIE, au mois d'octobre. Les vacances les plus merveilleuses de toute ma vie, pourtant j'avais beaucoup voyagé et c'était la troisième fois que je revenais à SOUSSE. Dès le premier instant, il m'a semblé que je l'avais toujours connu. Mes amies m'avaient mises en garde. Elles étaient terrifiées. Je n'ai écouté que mon coeur. Je suis très peureuse, très timide, mais je n'ai jamais eu peur de lui. Après toutes ces heures, tous ces mois à parler de tout, il me semblait que je l'avais bien cerné. Il était spécial, quelqu'un comme je n'en ai jamais connu dans toute mon existence. J'avais envie de faire un bout de chemin avec lui. En février, je suis partie 3 semaines en ALGERIE, tremblante d'émotion car nous avions décidé de nous marier, alors que j'avais juré de ne plus convoler, mais si je voulais qu'il ait une chance de me rejoindre en FRANCE, il fallait en passer par là. J'ai d'abord rencontré sa famille, avec appréhension, à cause de notre différence d'âge. Ses parents sont plus jeunes que moi de 3 et 2 ans. Toute la famille m'a très bien accueillie, avec une réticence chez ses 2 frères et sa soeur aînée. Nous avons loué un appartement à la mer. Pendant notre séjour, nous avons rencontré un couple atypique également. Elle viviait à Marseille et était également beaucoup plus âgée que lui. Nous nous sommes un peu fréquentés mais je ne les appréciais pas, surtout lui. Il était très beau, mais capricieux. J'ai tout de suite sentie qu'il était avec elle par intérêt. Il lui réclamait des cadeaux de marques, n'avait jamais un geste affectueux envers elle. Elle par contre était très entichée.
Notre demande de mariage a été refusée au Consulat de FRANCE à ALGER où nous nous sommes rendus. La dame qui nous a reçus m'a dit que tous les Kabyle étaient pareils, qu'ils voulaient tous partir d'ALGERIE, etc. et a ajouté : vous croyez que c'est pour vos beaux yeux qu'il veut vous épouser ? Qu'est-ce qu'ils ont mes yeux ? Notre dossier a été envoyé au Tribunal de Grande-Instance de NANTES. J'avais 57 ans et on me traitait comme une pauvre aliénée qui se faisait berner. Nous étions désespérés car ça va un moment de s'aimer sur le net, de l'autre côté de la Méditerranée. A mon retour, j'ai écrit une lettre très motivée au Consul de FRANCE. Quelques mois après, j'ai été convoquée au commissariat de chez moi, ainsi que mes enfants. Eux, ont dû donner leur accord et dire leur impression. Mon ex.mari avait dû "briffer" notre fils qui était complètement opposé à ce mariage, avant qu'il soit entendu par les policiers. Quant à moi, j'ai subi un interrogatoire très humiliant pour s'assurer que ce n'était pas un mariage blanc, du style : combien de fois, avez-vous fait l'amour ? Pendant cette même période, la plupart de mes amies me critiquaient ouvertement, me traitant de folle, d'irréfléchie. Je ne dormais plus. Je ne faisais que pleurer.
Quand nous avons enfin obtenu l'autorisation des autorités françaises, notre dossier s'était perdu dans les méandres de l'administration algérienne et il a fallu refaire toutes les pièces ! Et comme je vous l'ai dit, nous n'avons eu l'autorisation que l'avant-veille de mon départ. Quel parcours, quand j'y repense ! Mais notre amour a triomphé de toutes ces galères.