Le désir est la moitié de la vie. L’indifférence est la moitié de la mort.
- Khalil Gibran
(Peut-être aimeriez-vous écouter la version audio du message plutôt que de le lire à l’écran? Vous n’avez qu’à cliquer ici pour la télécharger.)
Désirer une chose à laquelle on ne croit pas avoir accès ou qu’on ne se croit pas capable de réaliser est douloureux. Parfois très douloureux.
Pour s’éviter ce déchirement, on aura parfois recours à une solution assez drastique : étouffer le désir. Oui, on se vend l’idée qu’on ne veut pas vraiment ce qu’on veut, que ce n’est pas si important. C’est moins douloureux que d’admettre qu’on ne se sent pas capable, pas prêt, pas digne. Parfois, on ira même jusqu’à dénigrer l’objet de notre désir… Non pas seulement feindre l’indifférence, mais se tourner un peu contre lui.
«Pas besoin de voyager, je suis bien chez nous…»
«Aucun couple ne semble vraiment heureux de toute façon, et je ne suis pas trop à plaindre dans ma situation…»
«Bof, ce n’est pas si grave…»
Ces paroles peuvent être dites et ressenties sincèrement, bien sûr. C’est ce qu’on appelle généralement le détachement… Probablement l’état le plus délicieux qui soit, car on est à la fois rempli d’enthousiasme et assez serein pour savourer profondément chaque moment, sans attendre quoi que ce soit. Cela dit, étouffer nos désirs n’a rien à voir avec cela. Ce n’est pas du détachement, ou un «lâcher-prise», mais de l’apathie. Un état qui n’est pas une célébration, mais une négation de la vie. On s’éteint, on ferme notre cœur. Et le résultat est que oui, on ressent effectivement moins de douleur vive, en surface... Mais on est coupé d’une partie de notre vitalité, et notre âme est engourdie.
Que voulez-vous vraiment? Si vous étiez certain de l’avoir, que vous permettriez-vous de vouloir?
Je ne vous pose pas la question parce que «vous méritez d’avoir ce que vous voulez», et tout le tralala, mais plutôt parce que vous méritez d’honorer pleinement vos désirs, d’abord et avant tout. Que vous les jugiez beaux, bons, réalisables ou non. Ils sont votre vérité du moment, et ils sont donc votre lien avec la vie, d’une certaine façon.
Donc que voulez-vous vraiment, Edith?
Si vous avez déjà eu des engelures, vous savez à quel point elles sont douloureuses lorsqu’elles commencent à dégeler. Les réchauffer est sain, même vital, mais ce n’est pas une partie de plaisir. En fait, la guérison est plus douloureuse que le processus qui nous mènerait vers la mort de la zone affectée et l’amputation. Un membre qui revient à la vie fait plus mal qu’un membre qui s’éteint doucement.
On pourrait dire que, de la même façon, «décongeler» la partie de nous qui désire peut être très inconfortable, aussi. Toute la déception que nos rêves de plénitude et notre sentiment d’impuissance suscitent remonte à la surface, parfois assez violemment.
«Je veux vraiment, vraiment voyager, et ça m’enrage de ne pas être libre de le faire…»
«Je me sens tellement seul… Je donnerais tout pour me sentir aimé…»
«Je n’ai jamais été bien dans ma peau, et j’aimerais tant l’être, mais j’ai l’impression que c’est impossible et ça me brise le cœur…»
Ressentir pleinement ces déceptions et ces frustrations peut effectivement être très difficile. Mais à partir de ce moment, la vérité est de retour… Notre vitalité est de retour… La lumière est allumée. Et la paix devient alors possible. Non pas seulement le calme apparent du renoncement, mais une paix vivante qui peut autant nous donner le courage de foncer que la force d’être bien là où on est. Parce que quoi qu’on en pense, il est essentiel de rencontrer pleinement nos désirs si on veut pouvoir ensuite lâcher prise authentiquement. On ne peut transcender un désir et un attachement qu’on n’a pas pleinement rencontré. Pour aller au-dessus, il faut commencer par aller en dessous. Plus on étouffe une énergie, plus on est sous son emprise.
Ainsi, chaque désir est un tremplin. Un tremplin potentiel vers le résultat désiré. Mais aussi un tremplin potentiel vers une plus grande paix… vers la paix de l’âme, vers le but même de notre existence. Si on le choisit, toutes nos soifs inassouvies peuvent être transformées en une soif de bien-être et de transcendance – car c’est ce qu’elles sont, fondamentalement. En fait, l’intensité de notre désir pourrait devenir l’intensité de la sérénité et de l’amour qui nous habite chaque instant. Car plus on sent le vide et le désir de le remplir, plus on a la motivation de trouver cet espace intérieur si sacré qui, lui, est déjà comblé. La même énergie qui nous fait souffrir et qu’on veut étouffer est celle qui nous libère, si on choisit de la canaliser.
Aucun désir n’est dangereux, aucun désir n’est douloureux, tant que notre désir premier est d’être en harmonie ici et maintenant, abandonné à la vie telle qu’elle se présente chaque instant. Et d’une certaine façon, on pourrait donc dire que tous ces désirs bouillonnants sont des alliés précieux, non pas seulement parce qu’ils nous gardent bien vivants, mais parce qu’ils nous amènent, si on accepte leur invitation, à rentrer en nous courageusement et à cultiver un désir de paix encore plus puissant.
Bonne journée!
xox