Dix soldats français sont morts lundi en Afghanistan au cours d’un affrontement avec les talibans. La plus lourde perte subie par l’armée française depuis vingt-cinq ans. Depuis 2001, la situation Afghane semble incontrôlable et ressemble à une impasse sécuritaire. Tous les experts s’accordent à reconnaître qu’il s’agit d’une guerre ingagnable, d’un conflit sans fin. Les motifs même de l’engagement français apparaissent peu lisibles, hormis une volonté revendiquée d’apparaître comme un allié fidèle des américains.
Neuf morts et dix-huit blessés. Les autorités françaises évoquent une simple embuscade. La presse internationale retient le terme de « bataille » en soulignant qu’il aura fallu un important soutien aérien français et américain pour éviter un bilan plus lourd. En tout état de cause les terres Afghanes sont toujours l’un des points les plus chauds de la planète. Son relief montagneux se prête à merveille à ce que l’on rebaptise aujourd’hui en « guerre asymétrique » autrement dit la vieille tactique de la guérilla.
Ce que le candidat Sarkozy avait résumé par la formule « aucune armée étrangère n’a réussi dans un pays qui n’est pas le sien ». L’Armée Rouge qui avait imprudemment envahit le pays en 1979 y aura laissé sa réputation d’armée invincible et avait du repartir par la petite porte. « La coalition » terme on ne peu plus vague qui recouvre les forces armées américaines et ses alliés de l’Otan, semble aujourd’hui sur la même pente. Ce que les services de renseignements occidentaux considèrent comme une impasse militaire totale et durable.
Si la solution n’est pas militaire, elle ne peut être que politique. Plus sûrement un mélange des deux. Comme le rappelait avec pertinence Paul Quilès, l’ancien ministre de la défense socialiste, la lutte contre le terrorisme ne peut se résoudre à un traitement militaire classique. L’erreur américaine, à laquelle la France a souscrit, est d’apporter une vision manichéenne aux choses. De voir dans ce combat un simple affrontement entre le bien et le mal. De penser que le terrorisme n’aurait qu’un nid, celui des montagnes afghanes, alors qu’en fait sa matrice est universelle : la misère, la pauvreté, l’injustice…
Le retournement de la situation, en Afghanistan, mais aussi en Irak, passe par une inversion dans la proportion entre les dépenses militaires et les aides civiles. Aujourd’hui ce rapport est plus que déséquilibré, semble-t-il de 1 à 10. Et encore, la corruption est telle qu’au final, les populations ne voient pratiquement rien. Dans une belle formule, Laurent Joffrin de Libération rappelle que « Le courage des soldats exige l’intelligence des politiques… »
Le temps est aussi venu de répondre à la question pourquoi l’Afghanistan ? Ceux qui nous parlent, la larme à l’œil d’une cause juste, d’un combat pour la démocratie et la liberté en évoquant les femmes voilées et l’interdiction des cerfs-volants sont souvent du plus grand cynisme devant des exactions, des violations répétées des libertés et des droits de l’homme ailleurs sur la planète.
Des grands principes de circonstances quand on constate que dans la plupart des démocraties concernées, les décisions de l’engagement militaire en Afghanistan, ont été prises le plus souvent en cataminini sans débat et assentiment national.
Enfin, on aurait aimé que pour une fois le Président Sarkozy toujours pressé de faire un déplacement de 5 000 kilomètres sous le feu des médias, en l’espèce pour afficher la détermination de la France dans la lutte illusoire contre le terrorisme, prenne le temps d’un déplacement à Castres. Pour faire utilement preuve de compassion dont il use et abuse d’habitude, pour rencontrer les familles des soldats morts pour « la France » car, comme il l’a rappelé « la décision ultime, c’est moi qui la prend ».
A défaut de président, de Premier ministre, ou de ministre, c’est finalement Jean-Marie Bockel, « simple » secrétaire d’Etat qui se sera rendu au chevet des familles.