L’empathie commence au berceau
Quelques heures après leur naissance, les nourrissons se montrent déjà sensibles à la détresse d’autrui. Il leur suffit d’entendre les pleurs d’autres bébés pour se mettre à pleurer, et bien plus fort à l’écoute d’un enregistrement de leur propre chagrin ou d’un bruit de même intensité. Il est donc tentant de conclure, avec les chercheurs américains qui ont conduit cette étude (rapportée par Martin Hoffman dans Empathie), que l’empathie, même si elle peut être encouragée par l’éducation, est aussi – et peut-être surtout – une disposition innée.
Les macaques se serrent les coudes
Née en 1988 au Centre de primatologie du Wisconsin, aux États-Unis, Azalea, petite femelle macaque rhésus, présentait des mimiques particulières et des déficits moteurs qui ont conduit au diagnostic d’une forme de trisomie. La plupart des activités habituelles des singes – se nourrir, courir, sauter, grimper… – lui étaient difficiles, voire impossibles. Cependant, loin de la rejeter, sa famille et d’autres singes du groupe lui ont montré une attention particulière, notamment en la toilettant deux fois plus souvent que ses petits camarades. Cette observation (In Le Bon Singe, les bases naturelles de la morale de Frans de Waal (Bayard, 1997).) n’est pas une première. Les éthologues ont déjà constaté que les grands singes se montrent plus tolérants et plus attentifs aux besoins des animaux handicapés lorsqu’il y en a dans le groupe. Et si nous redevenions des grands singes ?
Aider les autres, c’est s’aider soi-même
Les enfants qui se montrent sociables, c’est-à-dire aimables et attentifs à autrui, sont non seulement plus appréciés que les autres, mais sont aussi meilleurs à l’école. Une étude ( In Prosocial Behavior de Hans-Werner Bierhoff - Psychology Press, 2002). auprès d’enfants partageant des diffi cultés scolaires comparables a montré que ceux qui se portaient volontaires pour aider les autres à faire leurs devoirs amélioraient encore plus leurs résultats. À niveau scolaire égal au départ, ceux qui se montrent aidants et sociables obtiennent de meilleures notes, deux années plus tard, que ceux qui n’ont travaillé que pour eux-mêmes. Meilleure estime de soi et image positive de l’école : ou comment aider les autres revient à s’aider soi-même…
Pardonner est bon pour le coeur
Et si le pardon était bon pour le système cardio-vasculaire ? Des volontaires ont été mis en situation d’évoquer deux réactions opposées à la suite d’une agression (Granting forgiveness or harboring grudges de C.V.O. Witvliet et al., in Psychological Science - 2001). Dans un premier temps, on leur demandait d’imaginer qu’ils se vengeaient. Pour alimenter leur ressentiment, ils devaient songer à leurs blessures, aux douleurs subies… Dans un second temps, ils étaient invités à pardonner, à se dire que l’agresseur était un être humain comme eux, avec ses difficultés… bref, à se montrer empathiques. Le verdict des électrocardiogrammes et des mesures physiologiques effectués dans les deux situations a été sans appel : les émotions négatives et le ressentiment étaient corrélés à une élévation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, alors qu’en état d’empathie, le stress physiologique des mêmes personnes s’abaissait illico. La rancune n’est pas bonne pour la santé !
La gentillesse engendre la gentillesse
Oui, les jeux vidéo pourraient influencer le comportement des enfants envers autrui. Après avoir proposé, de façon aléatoire, à des Japonais de 12 à 16 ans des jeux soit violents et antisociaux, soit neutres, soit participatifs et prosociaux, des chercheurs ont ensuite mesuré leur degré d’altruisme (Comfortably rumb : desensitizing effects of violent media on helping others de B.J. Bushman et C.A. Anderson, in Psychological Science (2009). La différence a été très nette : ceux qui avaient joué à des jeux participatifs ont fait preuve de plus de gentillesse que les autres.
Le bénévolat rend moins dépressif
Aller vers les autres en s’investissant dans des associations, c’est aussi engranger des bénéfices pour soi à long terme. Interrogées au cours de diverses études (Patients with Alzheimer’s disease have reduced activities in midlife compared with healthy control-group members de R.P. Friedland et al., in Proceeding of the National Academy of Science - 2001). « Volunteer work and well-being » de P.A. Thoits et L.N. Hewitt, in Journal of Health and Social Behaviour (2001), les personnes ayant des activités bénévoles obtiennent en effet des scores supérieurs à la moyenne en termes d’évaluation du sentiment de bonheur, de la qualité de vie et de l’estime de soi. Moins dépressives, il semblerait qu’elles soient aussi moins touchées par la maladie d’Alzheimer, que leur état de santé général soit meilleur et leur mortalité plus faible. Attention cependant, ces bénéfi ces ne s’observeraient plus au-dessus d’un certain seuil, quand l’engagement va au-delà de cent heures par an. La limite entre don de soi et oubli de soi ?