Dans la galerie Match, vers 11 h. Au bout du couloir, deux sacs de voyage à côté desquels dorment un chat et un chien. À l'extérieur, leurs propriétaires fumant une cigarette, Olivier et Patrick, dix ans de rue chacun.
Au réveil, ils ont appelé le 115, le numéro qui permet de renouveler leur place en foyer d'hébergement. « On est partis du foyer à 7 heures pour s'abriter près de l'entrée de la CAF. Puis on est passés à l'AJAR (le point écoute jeunes) pour prendre un café et avaler quelque chose. » La seule chose qu'ils mangeront avant de rentrer au foyer. Cela fait environ trois semaines qu'ils viennent à la galerie Match, au chaud. Les gardiens tolèrent leur présence, contrairement au centre commercial place d'Armes (où on croise également de nombreux SDF), qui n'accepte pas les animaux.
Or, leurs « filles », une chatte blanche et un labrador, constituent leur seul catalyseur et leur seule source d'affection. Hormis celles qu'éprouvent l'un pour l'autre ceux que leurs compagnons de route nomment « les inséparables ». Une confiance totale, chose rarissime dans la rue, règne entre eux.
Territoire réservé
Olivier, qui fait généralement la manche près du supermarché Atac, n'y est pas allé depuis huit jours. « Trop froid », explique-t-il.
Patrick, lui, fait le « tape-cul » en face du magasin 1,2,3, sur la place d'Armes. « Là-bas, il y a une petite dame qui me ramène des boîtes pour le chien », précise-t-il. En matière d'aumône, chacun défend âprement son territoire. « Si un nouveau s'installe à ma place, je le vire. C'est comme ça que ça marche », assure Olivier.
À treize heures, le duo se dirige vers le centre commercial pour se réapprovisionner en « antigel ». Sur la route, Patrick boite un peu. Il s'est blessé le genou en glissant sur du verglas la semaine dernière. Sur son dos, un sac de plus de 25 kilos recouvert de peluches et de tétines, qu'il collectionne. Après quelques canettes, direction la boutique solidarité, où se trouvent une quarantaine de SDF dont la moitié a moins de 25 ans.
Linda, qui travaille à la fondation depuis 1991, assure qu'il y a dix ans, Olivier était « comme vous et moi. C'est à force de fréquenter les foyers, au contact des autres SDF, qu'il est tombé dans l'alcoolisme ». Un air nostalgique passe dans les yeux d'Olivier. 15 h 30. Les deux compères retournent à leur « base », près de la CAF. Ils y resteront jusqu'à 18 h, à attendre l'ouverture du foyer. Puis le lendemain, tout recommencera, encore et encore. •